Les joueurs de football à la peau noire continuent d’être pris à parti dans certains stades européens. Marc André Zoro, défenseur ivoirien du FC Messina, n’a pu contenir son exaspération face aux injures racistes dont il a été victime, ce dimanche, lors d’une rencontre à domicile contre les Milanais de l’Inter. La Fédération Internationale de Football est alertée, une fois de plus.
Le racisme gagne du terrain dans le football européen. Les joueurs à la peau noire sont très régulièrement les cibles de manifestations racistes de la part de supporters. Ce dimanche, l’Ivoirien Marc André Zoro Kpolo, continuellement harcelé dans les divers stades italiens, a tiré l’alarme sur le terrain. A la 66e minute du match qui oppose les clubs de première division FC Messina Peloro et l’Inter de Milan, le défenseur de 21 ans signifie à l’un des arbitres son agacement devant les injures à caractère raciste qui fusent depuis le début de la rencontre. Excédé, le joueur prend la balle dans les mains et menace d’arrêter la rencontre. « J’ai dit à l’arbitre de faire quelque chose, de leur dire d’arrêter. Comme ils continuaient de plus belle, j’ai pris le ballon pour leur faire comprendre », a expliqué Marc André Zoro, contacté par Afrik. Soutenu par les joueurs des deux équipes alors qu’il ne retenait plus ses larmes, le jeune Ivoirien décide finalement de reprendre la partie. « Je suis un joueur professionnel, mes co-équipiers et les adversaires de l’Inter qui menaient au score n’y étaient pour rien, il fallait continuer le match. D’autant plus que mon club aurait pu être pénalisé ».
Histoire d’un racisme ordinaire
Partout en Europe, le racisme dans les stades de football est monnaie courante. Les Britanniques ont réussi à réprimer la hargne de leur Hooligans, mais l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie ou encore la France semblent ne pas pouvoir gérer la montée de l’intolérance dans les stades. Dans l’Hexagone, le public du Paris Saint-Germain (PSG) est réputé le plus raciste. L’attaquant guinéen Amara Simba doit certainement se souvenir encore des banderoles « Simba la Banane » déployées, dans les années 80, par les fans de son club. Les supporters du club de la capitale sont scindés en deux. Ainsi, dans le Parc des Princes, stade de l’équipe, la tribune « Boulogne » est interdite aux non Blancs, celle d’ « Auteuil » est réservée aux supporters d’origine étrangère… et aux Juifs. Cette ségrégation, tacitement installée, est connue de tous, y compris des joueurs noirs qui évoluent dans le club.
Mais s’il était une palme des supporters les plus racistes, elle serait décernée à la Lazio Roma, un des deux clubs de la capitale de l’Italie, pays où les supporters du Nord seraient plus racistes que ceux du Sud. En janvier dernier, son attaquant Paulo Di Canio, créait le scandale pour avoir effectué un salut nazi après avoir marqué un but. Plusieurs fois sanctionné à cause des attaques racistes de ses supporters, Claudio Lotito, président du club, a dû, en août dernier, présenter des excuses à Marc André Zoro. Dans le quotidien italien La Repubblica, le même Di Canio déclarait encore, ce mardi, que l’opinion publique italienne ne s’émouvait que pour les Noirs.
Prise de conscience ?
Certains stades prennent des allures de zoo, mais ce n’est pas sur le terrain qu’on trouve les bêtes. Jets de bananes et de cacahuètes, des supporters qui prennent un malin plaisir à pousser ce qu’ils pensent être des cris de singes, à injurier à la moindre action d’un joueur noir, peu importe qu’il soit de leur équipe. Ce sont là quelques attitudes qui sont devenues monnaie courante dans le football européen. Ainsi, en février dernier, l’international camerounais Samuel Eto’o mimait un singe après avoir marqué pour son équipe, le club espagnol du FC Barcelone, contre le Réal Saragosse. « J’ai dansé comme un singe parce qu’ils m’avaient traité comme un singe ! Ces incidents ternissent l’image du football espagnol. Il est temps que la fédération intervienne et punisse ces clubs», avait-il déclaré à la presse. Un mois plus tard, Eto’o était à nouveau traité de singe par des stadiers anglais à l’issue d’un match que son équipe, avait perdu contre les Anglais de Chelsea.
Suite à l’incident de dimanche, la fédération italienne de football a décidé de faire démarrer toutes les prochaines rencontres de première et seconde division avec cinq minutes de retard pour faire réfléchir sur le racisme. « Cinq minutes avant, cinq minutes après, ça ne changera rien», a déclaré Marc André Zoro. « Chaque année la Fifa Fédération internationale de football, ndlr.] essaie d’agir, elle sait ce qu’elle a à faire. Je n’ai pas de conseil à donner, mais le plus important c’est que les gens comprennent que ce qu’ils font n’est pas bien ». Interrogé sur la campagne contre le racisme dans le foot, [Stand up speak up, initiée en janvier dernier, par l’international français Thierry Henri, Zoro a affirmé que « ces initiatives sont les bienvenues, mais cela ne va rien apporter car ces gens sont des ignorants ». L’attaquant d’Arsenal, club de première division anglaise, avait en effet été traité, en novembre 2004, de « negro de mierda » par Luis Arragonès, sélectionneur national de l’équipe d’espagnole. L’international brésilien Ronaldhino, nouveau ballon d’or a déclaré, ce lundi, qu’il était solidaire de Zoro « qui avait bien fait ». D’autant plus que le racisme sur les stades italiens semble avoir encore de beaux jours devant lui. Du moins si l’on s’en tient aux déclarations de Silvio Baldini, entraîneur de la Lecce, qui estimait, ce mardi, que cette histoire était trop exagérée, et qu’en Afrique, les Blancs aussi étaient victimes du racisme.