Robert Mugabe et son parti ont obtenu la majorité absolue aux élections législatives du 31 mars dernier. Même si le scrutin s’est déroulé dans le calme, contrairement aux précédents, l’opposition, avec à sa tête le MDC de Morgan Tsvangirai, a rapidement dénoncé des « fraudes massives ». Londres et Washington ont fait de même, pendant que la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) validait le scrutin.
« Quand j’aurai cent ans… », répondait samedi Robert Mugabe, lors de la fête organisée en l’honneur de sa victoire, à ceux qui lui demandaient quand il prendra sa retraite. Son parti, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), au pouvoir depuis 21 ans, a remporté 78 sièges aux élections législatives du 31 mars dernier, contre 41 au Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai, selon la Commission électorale du Zimbabwe (ZEC).
La Constitution zimbabwéenne prévoyant la nomination par le Président de trente députés au sein d’un parlement de 150 sièges, la Zanu-PF aura la majorité absolue et le champ libre pour faire passer ses réformes. Anticipant les critiques, Robert Mugabe a rapidement prévenu : « Celui qui a perdu, même s’il est déçu, ne doit pas voir cela comme la fin du monde (…) et chercher toutes sortes d’excuses ».
Ce qui n’a pas empêché Morgan Tsvangirai de dénoncer, dès les premiers résultats, une « mascarade » électorale, « marquée par des fraudes massives ». Le leader de l’opposition, que Robert Mugabe, lui-même auto proclamé héros de l’anti-impérialisme, a présenté comme le « larbin » et la « marionnette » de l’ex-puissance coloniale britannique, en appelle à de nouvelles élections, sous un nouveau cadre constitutionnel.
« Aussi longtemps que nous organiserons des élections dans ces mêmes conditions, il n’est pas possible qu’elles soient libres et transparentes », a regretté dimanche William Bongo, porte-parole du MDC. « Ce furent les plus libres et transparentes élections au monde », lui a répondu le ministre de la Justice, Patrick Chinamasa, sur les ondes de la BBC. Le porte-parole du MDC a néanmoins indiqué que son parti ne ferait pas de réclamation devant la justice, le processus s’étant déjà révélé vain par le passé.
L’UE en position d’attente
Daniel Compagnon, professeur à l’Institut d’études politiques de Bordeaux et rattaché au Centre d’études sur l’Afrique noire, interrogé par Libération cite pelle-mêle la distribution sélective de nourriture dans les zones rurales, l’interdiction de vote pour les deux à trois millions de Zimbabwéens de l’étranger, la gestion des listes électorales par un haut fonctionnaire du parti ou encore le vote anticipé des policiers et militaires sous les yeux de leurs supérieurs comme moyens, à la disposition de la Zanu-PF, pour manipuler le scrutin. Les observateurs de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) se sont bien inquiétés du nombre de personnes empêchées de voter, notamment dans l’arrière pays. Mais l’organisme, qui avait validé le controversé scrutin de 2002, a jugé au final que les élections s’étaient déroulées de « manière ouverte, transparente et professionnelle ».
Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, a déclaré que Robert Mugabe a « une nouvelle fois privé les citoyens ordinaires du Zimbabwe d’une élection libre et équitable, prolongeant ainsi la crise économique et politique qu’il inflige au pays ». Son homologue américaine, Condoleeza Rice, confirmant que les élections n’avaient été « ni libres, ni équitables ». La Grande-Bretagne, qui qualifie le Président Mugabe de « dictateur » et de « tyran », et les Etats-Unis, pour lesquels le pays d’Afrique australe est « un avant poste de la tyrannie », n’étaient pas invités à superviser le vote. Pas plus que l’Union européenne qui, en attendant une « évaluation plus précise », a fait savoir par le biais de la Commission de Bruxelles que « l’atmosphère a été calme [et] l’environnement meilleur que les fois précédentes ».
Son rapport définitif devrait être rendu public cette semaine. L’UE a reconduit, le 21 février dernier, pour un an ses sanctions à l’encontre du régime Mugabe – embargo sur les armes, interdictions de séjour pour le chef de l’Etat et 80 de ses proches collaborateurs et gel de leurs avoirs financiers en Europe. Elle avait précisé qu’elle était toutefois prête à revoir sa position selon le déroulement des élections législatives du 31 mars.