Il n’y a plus rien à attendre des élections présidentielles qui se tiendront vendredi 27 juin au Zimbabwe. Après un premier tour remporté par son rival Morgan Tsvangirai, Robert Mugabe a tout mis en œuvre pour réduire à néant les chances d’un second tour équitable. Sous la pression, l’opposition s’est retirée de la course. La communauté internationale s’insurge, mais rien ne semble plus pouvoir stopper le président Mugabe. Il l’a dit lui-même : « Seul Dieu peut m’empêcher d’être élu ».
J-1 pour le simulacre d’élections au Zimbabwe. Seul candidat en lice, Robert Mugabe, le président sortant, au pouvoir depuis 28 ans est sûr de l’emporter. En toute illégitimité. Lui qui avait subi un échec cuisant lors du premier tour, le 29 mars dernier, face à Morgan Tsvangirai, le chef du Mouvement pour le Changement Démocratique (MDC), s’est assuré une victoire absolue. A force de pressions sur les opposants et la population, aucun changement n’est plus à espérer au Zimbabwe.
24 heures pour tenter le tout pour le tout
Morgan Tsvangirai, réfugié à l’ambassade des Pays-Bas à Harare depuis dimanche dernier, a lancé jeudi l’appel de la dernière chance à son concurrent. Il lui a laissé 24 heures pour négocier une annulation du scrutin, devenu aberrant puisque lui-même s’est retiré de la course à la présidence la semaine passée. L’opposant réclame un processus de transition visant à sortir le pays de la crise politique. Mais Robert Mugabe ne renoncera pas si près du but. Il s’est toutefois déclaré prêt à discuter avec le MDC, après son élection. Il est en effet fermement déterminé à maintenir le vote de vendredi afin de s’assurer la place qu’il considère lui revenir de droit… D’autant que le retrait de Morgan Tsvangirai n’a pas officiellement été enregistré par la commission électorale, faute de respect des délais.
Sans alternative envisageable, la population sera contrainte de le réélire. Après les assassinats, enlèvements, et autres exactions commis sur les partisans de Morgan Tsvangirai depuis plusieurs semaines par la police et les pro-Mugabe, les citoyens Zimbabwéens n’ont d’autre choix que de s’aligner derrière le chef de l’Etat. Toute rébellion est impossible, car la menace de violences politiques plane sans interruption. Pour sauver leur vie ou assurer une sécurité fragile à leur famille, certains habitants sont contraints d’arborer portraits et autres drapeaux du candidat unique. La campagne d’intimidation a porté ses fruits : désormais toute la population fait mine d’être acquise à la cause de Robert Mugabe déterminé à « la victoire ou la guerre ».
Que fait la communauté internationale ?
Le retrait de M. Tsvangirai, s’il a été motivé par les violences infligées à ses proches, à lui-même et à ses partisans, est aussi- peut-être –un choix tactique. Lui qui n’a pas les armes pour faire face à la dictature du président a forcé, de cette manière, le reste du monde à réagir. En portant le débat sur la scène internationale, il a pointé du doigt un système que nul ne peut cautionner. Les réactions se sont pourtant fait attendre. Sous prétexte de préserver la souveraineté nationale du Zimbabwe, la communauté internationale dénonce de loin les abus du régime. Le Conseil de Sécurité des Nations-Unies s’est contenté d’une résolution et d’une mise en garde sans les assortir de sanctions. L’Union Européenne a déclaré en préparer de nouvelles à l’égard du chef de l’Etat et de sa famille, du même ordre que celles imposées en 2002 et 2007, avec entre autres le gel des avoirs des hauts-représentants du pouvoir, et une interdiction de séjourner en Europe. Elles sont toutefois demeurées sans effet réel.
Le président sud-africain Thabo Mbeki, désigné par l’Union Africaine pour tenter une médiation, a proposé une annulation du scrutin et la formation d’un gouvernement d’union. Une solution « à la kényane », qui a été rejetée par les deux parties. De nombreux pays alliés du Zimbabwe hésitent à se positionner fermement – l’Afrique du Sud entre autres-, afin de ne pas froisser des amitiés économiques -c’est le cas de la Chine- ou des alliances historiques de longue date. Longtemps, Robert Mugabe a fait figure de chantre de l’anti-colonialisme, et ses voisins africains ne peuvent le dénigrer sans renier ce passé commun. Nelson Mandela, l’ancien président sud-africain, a toutefois parlé de « tragique faillite du pouvoir » au sujet de la crise politique actuelle chez son voisin. Au même moment en Grande-Bretagne, Elisabeth II retirait symboliquement le titre honorifique de « chevalier d’honneur » à Robert Mugabe, en signe de sa profonde désapprobation. Mais ce n’est pas une médaille en moins qui le fera reculer… Et puisque les pays africains ont exclu toute intervention armée et que les Etats-Unis se sont contentés de taxer l’élection de vendredi d’ « imposture », l’espoir d’un sursaut démocratique au Zimbabwe s’éloigne de plus en plus.
Le Zimbabwe de demain
L’avenir que l’on peut envisager pour le Zimbabwe, désormais, est pour le moins sombre. Le pays en chute libre aurait eu besoin d’un leader prompt à résorber la crise. Ce qui n’est pas le cas de Robert Mugabe. Actuellement, le chômage touche 80 % de la population. L’espérance de vie est tombée à 38 ans. Cette année, l’inflation a dépassé 100 000 %. En s’isolant du reste du monde et en étant peu à peu délaissé par les régimes démocratiques qui l’entourent, le Zimbabwe se prépare à vivre des temps tragiques. Le pays, déjà malade, risque de souffrir 5 années supplémentaires.
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