Zimbabwe : Mugabe, acculé, va-t-il capituler ?


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Le président du Zimbabwe, qui refuse d’admettre sa défaite aux élections et bloque la publication des résultats des présidentielles depuis presque un mois, perd sa crédibilité et voit ses principaux soutiens, notamment la Chine et la Communauté de développement d’Afrique australe, le lâcher un à un. De plus en plus isolé, Robert Mugabe s’est vu contraint de proposer un gouvernement d’union à l’opposition qui revendique la victoire. Cependant, il maintient sur cette dernière une forte pression policière.

Des policiers en arme ont pris d’assaut, vendredi matin, le quartier général du parti d’opposition MDC (Mouvement pour un changement démocratique). Les autorités ont dit avoir lancé cette opération afin d’appréhender des membres du parti de Morgan Tsvangirai qui auraient commis des attaques dans l’Est de Harare. Selon l’agence Reuters, une centaine de membre du MDC auraient été arrêtés au cours de ce raid, et des ordinateurs.

Nelson Chamisa, le porte-parole du parti, qui a réussi à échapper à cette rafle a déclaré qu’il y voyait clairement « une provocation », alors qu’officiellement le chef de l’Etat paraît jouer la carte de la conciliation. En effet, à bout d’argument pour défendre sa légitimité, Robert Mugabe a proposé à l’opposition de partage du pouvoir, dans un éditorial publié, mercredi, par le quotidien officiel du régime.

Le président zimbabwéen refuse d’admettre une éventuelle défaite aux élections présidentielles du 29 mars dernier et bloque la publication des résultats depuis près d’un mois. Ce retard semble lui faire perdre chaque jour un peu plus de crédibilité. Il demande l’organisation d’un second tour, assurant qu’aucun des deux partis n’a remporté l’élection. De son côté, Morgan Tsangirai, le leader du parti d’opposition, estime avoir remporté le scrutin, et craint une violente campagne de répression.

Positions et pressions africaines

La communauté internationale, redoutant elle aussi une montée de violence si la situation ne trouve pas solution rapidement (Washington évoque même la probabilité d’un génocide), exerce une pression de plus en plus importante sur l’Afrique australe, laissant l’ancien chef de la guérilla anticolonialiste, au pouvoir depuis 1980, de plus en plus seul.

Même la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), qui regroupe 14 pays d’Afrique australe, et dont certains membres sont des alliés traditionnels du pouvoir zimbabwéen, peut difficilement continuer à le soutenir. Elle a réclamé la publication des résultats électoraux dès que possible et invité récemment Morgan Tsvangirai à s’exprimer lors du sommet extraordinaire sur le Zimbabwe.

Jonathan Moyo, ancien ministre dissident de l’Information du Zimbabwe affirme que Mugabe n’a plus aucune chance d’emporter la victoire et souligne l’impatience de la population à voir celui qu’il surnomment Mukuru, « le Vieux » en langue shona, quitter enfin le pouvoir.

En Afrique du Sud, bien que Thabo Mbeki, chef de l’Etat et président temporaire du conseil de sécurité de l’ONU, ait affirmé que le Zimbabwe n’est pas en crise, Desmond Tutu, prix Nobel de la Paix, n’a pas hésité à se faire entendre pour appeler l’Union africaine à agir.

La communauté internationale mobilisée

A l’instar de la centrale syndicale sud-africaine qui juge « le gouvernement de Mugabe illégal », la secrétaire d’Etat américaine aux affaires africaines, en tournée dans la région, a affirmé jeudi, lors d’une conférence de presse que, le chef de l’opposition a gagné les élections contre Robert Mugabe. « Les résultats les plus crédibles dont nous disposons à ce jour montrent une victoire claire de Morgan Tsvangirai, et peut-être dès le premier tour, à un point tel que vous n’avez pas besoin d’un gouvernement d’unité nationale mais que vous devez juste accepter le résultat. Il est difficile pour nous d’accepter l’idée qu’un résultat, qui serait annoncé maintenant, ait une quelconque crédibilité » a-t-elle déclaré dans des propos rapporté par Le Monde.
Elle a estimé que la volonté du peuple était contrariée, et souhaite que le Zimbabwe fasse l’objet d’un débat au sein du Conseil de sécurité des Nations-Unies.

Embargo sur les ventes d’armes

Jendayi Frazer a précisé par ailleurs que les Etats-Unis soutenaient les appels à un embargo sur toutes les livraisons d’armes à Harare. Washington demande à Pékin de renoncer à vendre des armes au gouvernement d’Harare.

Idem pour Londres, dont Mugabe est, selon Libération, « la bête noire », et qui préconise, en plus de ceux déjà mis en vigueur par l’Union européennes et les Etats-Unis, un embargo international sur toutes les ventes d’armes au Zimbabwe.

Le régime de Mugabe peut difficilement se passer du soutien de la Chine en matière de sécurité, de même que dans les domaines économique et financier. Elle a échangé avec le Zimbabwe des terres, parfois exploitées par des travailleurs chinois, contre 400 millions d’euros. Une nécessité pour le pays dont le taux d’inflation ne cesse d’atteindre des records avec des taux dépassant plus de 100 000 % depuis le mois de février.

Sous la pression, le gouvernement pékinois, auquel l’armée zimbabwéenne avait commandé, il y a plusieurs mois, une importante cargaison d’armes [[3 millions de cartouches pour fusils-mitrailleurs Kalachnikov, 1 500 lance-roquettes et 3 000 mortiers]] a finalement décidé, mercredi, de laisser tomber son partenaire africain. Arguant de la légalité de la vente, il s’apprêtait à organiser une livraison par voie terrestre, mais la Zambie, actuellement à la présidence de la SADC, a annoncé son refus de laisser les armes transiter par son territoire. Pékin a annoncé mercredi que le bâteau qui contenait ces armes a finalement fait demi-tour.

A quelques semaines des Jeux olympiques, Pékin a certainement jugé préférable de se plier aux nombreuses et impérieuses exigences occidentales.

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