Morgan Tsvangirai a comparu ce mardi devant la justice après son arrestation, dimanche, à Harare, lors d’un rassemblement pacifique interdit. Le leader d’opposition est arrivé sérieusement blessé, comme de nombreux autres militants arrêtés, après avoir été battu par la police. Il a été conduit à l’hôpital ce mardi. L’affaire suscite la condamnation des Nations Unies et de plusieurs pays.
C’est avec plusieurs blessures au visage et un œil sérieusement enflé que Morgan Tsvangirai, leader du Mouvement pour un changement démocratique (MDC, opposition), est arrivé, ce mardi, au tribunal du centre d’Harare. Plusieurs autres participants de la manifestation interdite de dimanche, qui s’est déroulée dans le quartier pauvre d’Highfield de la capitale, étaient également dans un piètre état. Lors de l’audience, la procureure Florence Ziyambi, a d’ailleurs accepté que Morgan Tsvangirai, que certains proches disaient entre la vie et la mort, et plusieurs activistes soient hospitalisés.
Des dizaines d’arrestations
La comparution est le fruit du juge Chinembiri Bhunu. Ayant eu vent des mauvais traitements infligés aux personnes interpellées, il avait ordonné à la police, lundi soir, qu’elles soient présentées à la justice mardi si elle ne pouvait pas les libérer sous caution et les faire soigner.
Les opposants risquent une inculpation pour avoir organisé la « prière collective » de dimanche. Elle était destinée à dénoncer le climat politique et économique du pays, alors que les autorités ont interdit pour trois mois tout rassemblement ou manifestation politique. La police avait réprimé la marche, organisée par Save Zimbabwe Campaign, une coalition d’opposants, de défenseurs des droits de l’homme ou de religieux. Bilan : un mort et plusieurs blessés, dont trois policiers.
Les forces de l’ordre ont interpellé au passage des dizaines d’activistes, dont Morgan Tsvangirai, quatre parlementaires de son parti et au moins deux journalistes. Un porte-parole de la police, Wayne Bvudzujena, a précisé que Morgan Tsvangirai et Arthur Mutambara, à la tête d’une branche du MDC, avaient été arrêtés car ils « incitaient les gens à venir et à s’impliquer dans des actions violentes », ainsi qu’à s’en prendre aux policiers.
« Battus pendant la détention préventive »
Lors de leur détention préventive, selon plusieurs médias rapportant les paroles des avocats, certains détenus ont été brutalisées par la police. D’où leur état à l’audience. Concernant l’attaque de Morgan Tsvangirai, « cela n’a rien à voir avec la brutalité normale dont nous avons été témoins », estime Eliphas Mukonoweshure, un haut responsable de l’opposition dont les propos sont rapportés par le Mail and Guardian. « Les blessures étaient délibérées et relevaient d’une tentative de l’assassiner », poursuit-il.
Il faut dire que les coups ont été violents. Le principal opposant du président Robert Mugabe a notamment une large entaille sur la tête et qu’il s’est évanoui à trois reprises après son passage à tabac. Lovemore Madhuku a, pour sa part, été conduit à l’hôpital principal d’Harare tôt lundi matin après avoir apparemment été battu par la police. Toujours lundi, une centaine de manifestants a été arrêtée, car soupçonnée de protester contre l’incarcération des marcheurs de la veille.
La contestation continue
Les récents évènements n’intimident pas le mouvement contestataire. « J’aimerais avertir Robert Mugabe et le Zanu PF (son parti, ndlr) qu’aucune brutalité policière ne peut arrêter ou retarder la marche du peuple vers la liberté. En tant que parti, notre pied reste fermement sur l’accélérateur du changement démocratique pendant que nous nous dirigeons vers la démocratisation totale du Zimbabwe », a expliqué Thokozani Khupe, déléguée de Morgan Tsvangirai, lundi, lors d’une conférence de presse.
L’emprisonnement et le traitement réservé aux opposants a été condamné par le secrétaire général des Nations Unies, par la voix de sa porte-parole. Elle explique que les incidents « violent le droit démocratique basique des citoyens à mener une assemblée pacifique ». Les Etats-Unis parlent d’une répression « brutale et injustifiable » et appellent le président et le gouvernement zimbabwéens à assurer « la sécurité et le bien-être de ceux qui sont en détention ». La Grande-Bretagne, avec qui le Zimbabwe entretient des relations plus que tendues, et l’Union européenne ont également condamnés les violences.
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