Le Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition) a déposé vendredi un recours en urgence visant à obliger la commission électorale à publier les résultats de l’élection présidentielle, six jours après le scrutin. De son côté, le bureau politique du parti au pouvoir s’est réuni pour définir une stratégie de contre-attaque, tandis que le régime multiplie les intimidations.
Les deux camps dévoilent chaque jour un peu plus leurs stratégies respectives, au Zimbabwe où les résultats de l’élection présidentielle de samedi dernier se font toujours attendre. Les rumeurs de tractations secrètes entre le gouvernement et l’opposition, pour une transmission « en douceur » du pouvoir, ne sont vraiment plus d’actualité : au contraire, alors que le suspense se fait de jour en jour plus intense – même si un second tour apparaît maintenant inéluctable –, les adversaires s’affrontent à visage découvert.
Ainsi du Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition) qui, après avoir revendiqué la victoire de son candidat Morgan Tsvangirai, passe à l’offensive : vendredi, le parti a introduit un recours en urgence devant un tribunal de Harare pour obliger la commission électorale à annoncer les résultats. La loi électorale prévoit que ceux-ci soient publiés au plus tard six jours après la tenue du scrutin. Entre lundi et jeudi, la commission électorale avait publié au compte-gouttes les résultats des élections législatives organisées le même jour que la présidentielle – et remportées par l’opposition. Jeudi soir, elle a commencé à annoncer selon la même méthode les résultats des sénatoriales : selon ce premier décompte, le MDC et l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF, au pouvoir) remportent chacun cinq sièges sur les 60 à attribuer. Concernant la présidentielle, l’opposition « s’attendait à ce que les résultats soient publiés au fur et à mesure de leur arrivée, comme lors des élections précédentes », a indiqué l’avocat du MDC Andrew Makoni.
Contre-attaque du parti au pouvoir
Du côté de la Zanu-PF aussi, on tombe les masques. Après s’être emmuré dans le silence pendant cinq jours, le président Robert Mugabe a fait une première réapparition publique, jeudi, sans néanmoins faire de commentaire sur les élections. Vendredi, le chef de l’Etat a convoqué le bureau politique de son parti pour une réunion cruciale, afin de définir une stratégie de contre-attaque après la défaite aux législatives. « Nous avons sous-estimé la menace de l’opposition », a déclaré un membre du bureau politique à l’AFP. « Mais nous allons élaborer une stratégie précise pour le second tour et nous le remporterons, sans aucun doute. »
Sont-ce les développements anticipés de cette « stratégie précise » ? Toujours est-il que dès jeudi, l’hôtel York Lodge, à Harare, voyait deux de ses occupants arrêtés par les forces de l’ordre : deux journalistes étrangers, dont l’envoyé spécial du New York Times Barry Bearak, à qui les autorités reprochent d’avoir « pratiqué sans accréditation ». « Il a été placé en garde à vue aujourd’hui par des policiers à Harare. Nous ignorons où il est détenu et s’il a été inculpé », a expliqué Bill Keller, le rédacteur en chef du quotidien américain.
L’opposition discute avec les forces de sécurité
Autre signe de la fébrilité du pouvoir : la police zimbabwéenne a également fouillé et saccagé les chambres louées par le MDC dans un autre hôtel de la capitale, selon Tendai Biti, le secrétaire général du parti. « Ils sont venus à l’hôtel qui nous sert de centre d’information. Ils ont fouillé les chambres que nous utilisons. Je ne sais pas ce qu’ils cherchaient », a-t-il déclaré à la radio publique sud-africaine SABC.
Enfin, quelque 400 vétérans de la guérilla zimbabwéenne contre l’ancien régime blanc – guérilla qui avait porté Robert Mugabe au pouvoir en 1980 – ont manifesté en silence et sous escorte policière, vendredi à Harare, pour soutenir le chef de l’Etat. Ces soldats, qui avaient été au cœur du mouvement d’expropriation par la force des derniers fermiers blancs et qui suscitent la crainte au sein de la population, sont souvent utilisés pour impressionner les opposants au régime.
Mais si les intimidations de façade se multiplient, l’opposition assure néanmoins ses arrières : selon un diplomate occidental cité par l’AFP, des « discussions ont lieu entre les instances dirigeantes du MDC et les forces de sécurité (…) qui veulent s’assurer d’avoir toute leur place » en cas de changement de régime.