Ziguinchor : des négociations terminées avant d’avoir commencé


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Drapeau du Sénégal
Drapeau du Sénégal

La rencontre entre Me Wade et l’abbé Diamacoune a duré moins d’une heure. Aucun communiqué n’en est sorti, bien que les deux parties soient convenues de se revoir. Le conflit, vieux de dix-huit ans, semble en tous cas avoir lassé la population locale, qui n’en comprend plus les tenants et aboutissants.

Le vent du sopi (changement) va-t-il enfin souffler sur la Casamance ? Les habitants de la région méridionale en rêvent, après dix-huit ans d’un conflit indépendantiste larvé ayant dégénéré en sale guerre. Ils devront toutefois encore attendre. Les négociations « directes » promises samedi entre la rébellion et Me Wade, président de la République sénégalaise, ont tourné court, s’achevant au bout de cinquante minutes de ce que l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, chef historique du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), a voulu dénommer une « cérémonie protocolaire ».

Quel que soit son nom, la rencontre était la première du genre à ce niveau. Elle s’est tenue à l’évêché de Ziguinchor, capitale de la Casamance. Rien n’en a filtré. Seul subsistait un goût d’inachevé dans la population.

En dix-huit ans, les combats entre l’armée sénégalaise et les diverses factions du MFDC ont fait plusieurs centaines de morts, rarement comptabilisés d’ailleurs. Au fil du temps, les attaques isolées ont dégénéré en une guérilla très violente, interrompue régulièrement par des cessez-le-feu qui débouchaient, à chaque fois, sur des scissions du MFDC. En 1998, Amnesty International dénonçait le fait que « les deux parties ont sciemment choisi de terroriser les civils. » L’année précédente avait vu l’apparition des mines anti-personnel sur le terrain.

« Négocier directement »

L’enjeu théorique de ces affrontements est l’indépendance de la région. Une indépendance qui, si elle advenait un jour, serait elle-même théorique en raison de l’enclavement de la région, coincée entre la Gambie et la Guinée-Bissau. Ces deux pays sont étroitement liés à la Casamance, à la fois historiquement et culturellement. Ces liens ont souvent constitué un relais politique efficace pour le MFDC. Cela a encore été le cas en 1999, lorsque les diverses tendances de la guérilla se sont réunies à Banjul afin d’harmoniser leurs positions.

Me Wade avait insisté, durant sa campagne, sur les échecs de son prédécesseur Abdou Diouf dans l’établissement d’une paix durable dans la région. Devenu président, il honore sa promesse de « négocier directement » avec l’abbé Senghor. Ce dernier, quant à lui, semble incontesté dans son camp, et au-delà parmi les Casamançais – y compris parmi les non-indépendantistes.

Si personne ne doute, aujourd’hui, que la Casamance attend beaucoup du « sopi » apporté par l’alternance à Dakar, les avis divergent sur place quant à ce que l’on peut espérer du processus engagé ce samedi. Le quotidien Le Soleil mettait l’accent, vendredi, sur « les Ziguinchorois optimistes ». Le reporter de l’AFP constatait, en revanche, que « Ziguinchor attend la paix, sans illusions ». Aucun de ces confrères ne paraissait s’être éloigné de la capitale régionale, dans cette brousse de Casamance rien moins que sûre malgré les espoirs de paix.

Retrouvez notre interview de Mamadou Sané, le représentant en France du M.F.D.C.

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