Youssouf Amine Elalamy, un drôle de poisson


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Les Clandestins, le second roman de l’auteur marocain Youssouf Amine Elalamy, est l’histoire de douze hommes et d’une femme qui se noient en tentant de traverser le détroit de Gibraltar. Brasse coulée à la recherche de plusieurs vies et destins.

 » L’idée de ce roman est née d’un fait divers paru dans un journal marocain. Il rapportait la mort de plusieurs personnes que l’on avait retrouvées échouées sur un rivage. Ce qui m’a frappé, c’est que le journal traitait l’information comme une donnée statistique, une sorte de simple addition macabre. J’ai voulu redonner une dimension humaine à ce drame au travers

de la littérature « . Voilà donc la genèse du roman. Une tentative de mettre en mots la mort crûment chiffrée de ceux à qui  » la vie va trop petit « .

Ici et ailleurs

Youssouf Amine Elalamy nous plonge donc dans l’univers de treize personnages qu’il ressuscite après les avoir noyés. Dimanche 22 avril, jour où tout bascule pour douze hommes et une femme. Charaf, Louafi, Jaafar, Ridouane, Slim, Chama et les autres. Tous veulent partir, fuir quelque chose. Tous rêvent  » de cette contrée où l’on trouve encore du travail, où les chemins sont pavés d’or et où fleurit l’arbre de la liberté « . Gibraltar, c’est à quelques kilomètres seulement de la terre marocaine et pourtant si loin. Tellement loin que les personnages n’atteindront jamais l’autre rive, comme beaucoup dans la réalité. Les âmes de ces corps échoués sur la plage nous racontent donc leurs histoires.

Polyphonie. Les voix de ceux qui sont partis et ne reviendront jamais, même s’ils portent la vie. Les voix aussi de ceux qui sont restés et qui souffrent. Une mère, une bien-aimée. Et derrière ces voix, le malaise social qui ronge et ravage une humanité qui étouffe. Les diplômés qui se retrouvent au chômage. Ceux qui n’ont rien et autour de qui on construit de grands murs pour que leur vue ne dérange plus celle des autres, qui ont tout.

Le livre raconte la douleur. Et esquisse aussi une critique d’un Maroc à deux vitesses. De ce Maroc qui ne nourrit pas toujours ses enfants, qui simultanément laisse espérer et castre les ambitions, qui pose les premières pierres sans aller plus loin. Dommage qu’on se noie parfois dans un verbe trop dense. Les phrases se répètent, les mêmes mots reviennent sans cesse et tournent en rond. Style voulu par l’auteur évoquant « le rouleau de la vague qui se brise « . Effectivement, on finit par relever la tête hors de l’eau.

Métaphore

 » Mon roman ne traite pas des immigrés clandestins mais bien des clandestins « , insiste Youssouf Amine Elalamy. En effet, son livre est bien plus que la simple et triste histoire de ceux qui s’engagent nombreux chaque jour sur les patera. Ce qu’il donne à comprendre, c’est que ceux qui partent n’aspirent pas à être clandestins, au contraire. Ce que veulent ces hommes et femmes, c’est bel et bien sortir de la clandestinité dans laquelle le Maroc les plonge. Diplômés chômeurs, enfants illégitimes ou habitants de Houlioud, tous veulent être reconnus. Car hélas, clandestins, ils le sont chez eux, et les barreaux qu’ils ont en eux font plus mal que ceux de l’extérieur. Et c’est en partant à la recherche de leur vie que tous trouveront la mort.

L’auteur le dit, il se sent proche des petites gens et tout le touche C’est ainsi qu’au fil de l’écriture, il s’est retrouvé dans l’histoire qu’il racontait. D’une autre manière. Plus littéraire. « L’écriture est une forme de clandestinité et moi-même en un certain sens j’étais clandestin. J’étais sur une rive et j’en entrevoyais une autre. Une distance me séparait d’elle, allais-je réussir à la traverser ? Je me mettais en péril, je pouvais me noyer « .

L’écriture l’a également rapproché du personnage du passeur auquel il s’est aussi identifié : « Le livre est une petite embarcation. C’est en tant que passeur que je dois le faire parvenir de ma rive à celle du lecteur. Le message sera-t-il entendu ? « . Apparemment oui, puisque le livre a déjà reçu le prix Atlas.

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