La star sénégalaise Youssou N’Dour a annulé sa tournée nord-américaine qui devait se tenir du 26 mars au 15 mai prochains, en signe de protestation contre la guerre en Irak. « L’enfant de Médine » en privilégiant ses convictions à sa carrière, nous démontre l’ampleur de son engagement. On apprécie ou on n’apprécie pas.
Youssou N’Dour dit non à la guerre en Irak en annulant sa prochaine tournée en Amérique du Nord. Du 26 mars au 15 mai, la star sénégalaise devait se produire dans trente-huit villes nord-américaines. Une tournée exceptionnelle dans la carrière du chanteur. Dans un communiqué de presse relayé par la presse internationale, le prince du Mbalax explique : « C’est ma conviction profonde que la responsabilité de désarmer l’Irak revient aux Nations Unies. En conscience, je m’interroge sur l’intention apparente du gouvernement des Etats-Unis de partir en guerre contre l’Irak. […].Je crois que venir aux Etats-Unis à l’heure actuelle serait perçu dans de nombreuses régions du monde – à tort ou à raison – comme un soutien à cette politique, et donc, en conséquence, qu’il est inapproprié de se produire aux Etats-Unis à cette période ».
Artiste engagé
Youssou N’Dour est un artiste engagé. Pour preuve, les nombreuses manifestations et actions caritatives auxquelles il a participé et son actuel statut d’Ambassadeur de bonne volonté pour les Nations Unies et l’Unicef. En 1985 déjà, le musicien sénégalais contribue à « Tam Tam pour l’Ethiopie », une chanson à l’initiative de Manu Dibango pour lutter contre la famine. Il s’engage également pour Amnesty International aux cotés de Peter Gabriel, Sting et Tracy Chapman en 1988 dans une tournée internationale. Youssou N’Dour se bat aussi contre le sida et prend part au concert Race Against Poverty and HIV/AID organisé par le Pnud (Programme des Nations Unies pour le développement). L’artiste travaille également avec le Haut Comité des Nations Unies pour les Réfugiées (HCR) et reverse les fonds de son album en février 2001 pour contribuer à l’éducation des enfants réfugiés.
Son engagement se fait aussi en faveur de la culture africaine. Par exemple, il organise en 1993 un spectacle unique en son genre, Africa Opéra, à l’Opéra Garnier de Paris. Par ailleurs, il a choisi de rester au Sénégal pour mener sa carrière internationale. Sa musique est un métissage des rythmes traditionnels sénégalais et d’influences venus d’autres horizons. Une dualité culturelle qu’il développe en organisant en octobre 2001, le Grand Bal, un savoureux mélange entre concert traditionnel et bal populaire. Youssou N’Dour a d’ailleurs été élu meilleur artiste africain du siècle en 1999.
Un zeste de déception et une pincée de fierté
Sa décision d’annuler sa tournée nord-américaine soulève des réactions diverses, oscillant entre déception et fierté. Aussi bien au Sénégal, son pays natal, qu’aux Etats Unis où il était attendu par ses fans. « Les gens ici sont très déçus mais aussi très fiers. Les Sénégalais, les Ivoiriens, les Maliens, la communauté africaine dans son ensemble est fière de constater que Youssou N’Dour ne transige pas avec ses principes et ce en dépit des enjeux financiers ou artistiques. Après les remous, l’artiste et l’homme en sortiront grandis dans l’opinion des gens », indique Mody Diagne, fondateur de Radio Tam Tam à Philadelphie (Etats-Unis), un média destiné à la diaspora africaine.
Autre son de cloche avec Sambou Cissé, journaliste culturel au quotidien sénégalais Le Soleil. « Au Sénégal, la question de la guerre en Irak est bien moins importante que celle de la présence française en Côte d’Ivoire et il y a eu des sujets autrement plus sensibles pour lesquels il n’a pas pris position. On ne comprend pas que compte tenu des enjeux financiers qu’implique ce concert, Youssou N’Dour renonce à ses dates américaines. Je pense que son désistement tient plus à des questions économiques que politiques. Joko, son avant-dernier album n’a pas été un franc succès au pays de l’Oncle Sam… C’est dommage car il a une responsabilité par rapport à son pays, c’est important que le Sénégal soit présent à travers sa musique. S’il avait maintenu ses dates, il serait allé chanter la paix aux Etats Unis », affirme ce dernier.
Benson Diakité, producteur délégué à RFI, qui connaît bien l’artiste, s’inscrit en faux contre cette assertion. Pour lui, « Yousou N’Dour est un homme de conviction. Il s’agit bien d’une question politique. C’est un businessman et par conséquent il a pris sa décision en connaissance de cause. Il a toujours été du côté de son pays, le Sénégal, qui est contre la démarche américaine. » Que les fans du Nouveau Monde se consolent, ce n’est que partie remise.