Cinquante députés accusent le président du Bénin Yayi Boni d’avoir favorisé les activités de la société ICC Services, qui ont ruiné plus de 200 000 épargnants. Moins d’un an avant les élections présidentielles, ils demandent sa traduction devant la Haute cour de justice pour « forfaiture et parjure ».
Elu en 2006 pour lutter contre la corruption, le président Yayi Boni ne serait peut-être pas irréprochable en la matière. Sur 83 députés, 50 l’accusent d’avoir favorisé les activités d’ICC Services, qui ont conduit 200 000 épargnants à la ruine. Les députés signataires, dont des membres de la mouvance présidentielle, ont demandé vendredi au président du Parlement que le chef de l’Etat soit traduit devant la Haute cour de justice pour « forfaiture et parjure ». Ces événements ont quelque peu entaché les festivités organisées dimanche pour le cinquantenaire de l’indépendance du pays.
Les députés avancent qu’ICC Services (Investment consultancy and computering Services) a financé les activités politiques des partis et organisations de la mouvance présidentielle. La société qui exerçait à sa création des activités liées à la santé, à l’assistance en informatique et à la formation des jeunes diplômés aurait également fabriqué «du matériel de propagande à l’effigie du président de la République».
Selon des employés d’ICC Services, les activités de placement étaient à l’origine destinées à l’Eglise du christianisme. L’épargne aurait été ensuite illégalement ouverte au grand public. La société promettait des taux d’intérêt pouvant atteindre les 200 %. Près d’un million de Béninois ont souscrit à ces placements aux taux alléchants. Mais les placements en ligne, qui devaient générer des fonds, n’étaient que mirages. Les premiers épargnants étaient payés par les dépôts des suivants. La supercherie a fonctionné pendant quatre ans avant que n’apparaissent les premières difficultés de paiement. La fraude porte sur 100 milliards de francs CFA, soit plus de 150 millions d’euros.
Du pain béni pour l’opposition
Si les accusations des députés ne sont pas encore vérifiées, l’aura de l’ancien banquier, candidat à sa propre succession, est déjà entachée. Le président a au moins «favorisé les activités de ICC Services, notamment en s’affichant partout dans le pays et de manière ostentatoire avec les responsables et en rendant visite par deux fois au président directeur général de ICC Services à domicile », rappellent les députés. De plus, la protection des lieux de travail et des résidences des responsables de la société était effectuée par des agents des forces de sécurité publique, ajoutent-ils.
Le ministre de l’Intérieur Armand Zinzindohoué et le Procureur général près la Cour d’appel de Cotonou ont été limogés le 7 juillet dans le cadre de cette affaire. Alertés des flux anormaux par la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), ils avaient cherché à étouffer le scandale financier. Adrien Hougbedji, principal opposant et candidat de l’Union fait la Nation pour l’élection présidentielle de mars 2011, a accusé le pouvoir d’avoir « protégé pendant quatre ans » l’entreprise ICC-Services, ajoutant que l’affaire aurait été orchestrée « avec la caution et des complicités au sommet de l’État ».