Alimentée par un fonds gouvernemental de 15 millions d’euros, cette opération de « réparation des préjudices » permet aux victimes des violences post-électorales de Côte d’Ivoire de reprendre goût à la vie et de croire à nouveau en l’avenir.
Un vent d’optimisme souffle sur la Côte d’Ivoire. Et « Yako ! » y est peut-être pour quelque chose.
« Ce fonds a complètement changé ma vie… J’étais désespérée, après le décès de mon mari, j’étais mendiante. Je quémandais de gauche à droite pour nourrir mes enfants. Grâce au fonds j’ai pu ouvrir une boutique. J’arrive à me prendre en charge et à scolariser mes enfants… Ce commerce m’a redonné goût à la vie, je me sens naître de nouveau », confie Mariam Cissé, l’une des bénéficiaires de l’opération d’indemnisation des victimes.
Baptisée « Yako ! » (« pardon » ou « condoléances » en langue akan), l’opération a permis de remettre des chèques d’un million de francs CFA (environ 1 500 euros) aux 3 000 victimes sur les 3 243 recensées par la Commission nationale d’enquête. Des victimes très ébranlés par la libération de Laurent Gbagbo par la Cour pénale internationale de la Haye. Rappelons que la crise post-électorale de 2010-2011 avait entraîné une guerre fratricide entre partisans du président sortant Laurent Gbagbo et ceux du chef de l’Etat élu, Alassane Ouattara.
Dans un pays qui a connu des crises depuis 1990, « c’est la première fois que l’on effectue des réparations de préjudices », précise Mariatou Koné, ministre ivoirienne de la Solidarité et de la cohésion sociale. « Le Mali, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo et le Togo sont venus à notre école pour s’inspirer de notre modèle. Le fait que nous ayons pu franchir le pas et commencer les indemnisations a été fortement apprécié. C’est une fierté pour nous », se félicite la ministre.
Croire en l’avenir
Les victimes, elles, ne cachent pas leur satisfaction. « Je ne m’y attendais pas. Ça fait plaisir de savoir que nonobstant tout ce que fait le gouvernement pour moi et pour l’ensemble des victimes, je reçois des visites régulières. Je voudrais rendre hommage au président Alassane Ouattara pour l’initiative louable d’indemniser les victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire », affirme pour sa part Mohamed Koné, une victime de la crise postélectorale de 2010-2011, qui a reçu à son domicile la visite d’une délégation du ministère de la Solidarité et de la cohésion sociale.
Touché par balle à la moelle épinière pendant la crise, le jeune homme, aujourd’hui tétraplégique, avait été évacué au Maroc dans le cadre du programme de prise en charge médicale initié par le gouvernement ivoirien. De retour à Abidjan, il bénéficie d’un suivi et de séances de rééducation régulières. « J’arrive à me mouvoir de plus en plus aujourd’hui, chose qui n’était pas possible il y a quelques mois », se réjouit-il avant de livrer un précieux conseil basé sur son expérience : « Je ne souhaite pas que ce qui m’est arrivé arrive aux autres. La guerre n’est pas une bonne chose ».
Comme eux, des milliers d’Ivoiriens reprennent goût à la vie et œuvrent pour la réconciliation. Hélène Kouakou, grand-mère sinistrée du quartier populaire d’Abobo, a bénéficié du programme Yako ! pour ouvrir son commerce de bois de chauffe et s’occuper de ses petits-enfants, dont le père a été tué. Alphonse Yéo Navigué, un jeune ayant perdu ses deux mains, a quant à lui pu investir dans un kiosque à café qui lui procure des revenus et lui permet de « croire maintenant à l’avenir ».
Une page nouvelle dans l’Histoire ivoirienne
L’opération « réparation des préjudices » est donc alimentée par un fonds gouvernemental de 15 millions d’euros. Suivant les recommandations de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), il devrait servir à indemniser toutes les victimes des crises depuis 1990. Ambitieuse, cette opération marque un nouveau chapitre dans les efforts du gouvernement ivoirien pour la paix. Lors de son discours d’investiture, en mai 2011, Alassane Ouattara avait en effet placé sa présidence sous le sceau de l’« écriture d’une page nouvelle » de l’Histoire de la Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui, la croissance économique et la stabilisation politique permettent au chef de l’État de faire des pas supplémentaires vers la réconciliation. En août dernier, Alassane Ouattara a accordé l’amnistie à 800 personnes poursuivies ou condamnées durant la crise postélectorale, dont Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien chef d’Etat.
Une mesure heureuse et un acte de clémence afin de renforcer la cohésion nationale et de parachever l’œuvre de réconciliation.