Ferdinang Nana Payong a organisé le 5 juillet la 6ème édition des Etoiles du Marketing et de la Communication. Cet événement est destiné à valoriser les métiers du marketing et de la communication afin de donner au Camerounais de précieuses armes pour développer leur entreprise. Seulement, par manque de soutien, cette édition pourrait bien être la dernière…
De notre correspondante au Cameroun
Ferdinang Nana Payong est consultant en marketing et en stratégies de communication. S’il organise « Les Étoiles du Marketing et de la Communication », c’est pour dynamiser son métier et en faire la promotion. La 6ème édition de cet événement de communication s’est tenue le 5 juillet dernier à Yaoundé, devant un parterre de personnalités et d’invités. Malgré le succès de cette édition, Ferdinang Nana Payong pourrait cesser l’organisation de cette manifestation, qui lui prend beaucoup de temps. Interview.
Afrik.com : Vous venez d’organiser la 6ème édition des « Étoiles du Marketing et de la Communication ». Quel est le message général que vous voulez faire passer à travers cet événement ?
Ferdinang Nana Payong : Les entreprises doivent se mettre résolument au marketing et à la communication, parce que c’est le levier qui permet à l’entreprise de s’en sortir quelles que soient les situations. Aujourd’hui, on constate que beaucoup d’universités et grandes écoles forment en marketing ou en communication. Ce qui veut dire qu’elles ont anticipé sur les besoins des entreprises et offrent la possibilité aux entreprises de recruter des jeunes Camerounais, Africains, et, de ce point de vue, il me semble qu’il y a un petit décalage qui se comble au fur et à mesure que le temps passe. Comme c’est un événement qui consiste à faire la promotion de notre métier, nous pensons que les entreprises sont de plus en plus conscientes, notamment les PME (petites et moyennes entreprises, ndlr) de l’intérêt de notre métier.
Afrik.com : Avez-vous l’impression que ce message passe auprès des entreprises ciblées ?
Ferdinang Nana Payong : Oui et non. Il passe bien au sein des entreprises qui ont besoin de performance, de productivité, mais il ne passe pas très bien au sein des entreprises où il y a des situations de rentes. Je veux dire que dans certaines grandes entreprises, on trouve des responsables de marketing et de communication qui ne sont pas tout à fait à leur place. De ce fait, nous sommes un peu gênants, dans la mesure où nous voulons que les professionnels qui connaissent le métier soit à la place qu’il faut afin de permettre aux entreprises d’optimiser leurs profits dans un contexte d’économie de marchés où, comme vous le savez, l’offre est infiniment supérieure à la demande. Notre discours gêne un peu car chaque année nous essayons d’évoluer dans notre démarche. Depuis deux ou trois ans, on a instauré ce qu’on a appelé le grand oral qui est un forum au sein duquel les entreprises viennent défendre leurs projets et leur culture de manager devant les jurés qui sont les étudiants. Le responsable de marketing ou de communication est alors dans la posture de celui qui vient pour un entretien d’embauche ou pour un exposé de projet devant d’autres responsables d’entreprises. S’il ne maîtrise pas son domaine, cela se voit tout de suite. Et quand il vient au grand oral devant une centaine de jeunes étudiants qui ont un bac + 2 ou un bac +5, on arrive à savoir s’il sait de quoi il parle. Cet exercice permet de déceler le background des uns et des autres.
Afrik.com : À votre avis et d’après votre expérience, quel est le secteur d’activité qui a le plus besoin de marketing et de communication en ce moment au Cameroun ?
Ferdinang Nana Payong : Votre question est très pertinente ! Et je dirais tous les secteurs ont besoin de marketing et de communication, parce qu’aujourd’hui justement, les concurrences indirectes et les concurrences génériques sont brisées. Il n’y a plus de barrières entre les entreprises. Avec cinq mille francs CFA, un Africain a une multitude de choix. Il peut s’acheter une carte téléphonique, aller prendre une bière avec ses copains, s’offrir un repas etc. Mais voilà trois secteurs d’activités différents, la restauration, la téléphonie et la boisson. Trois secteurs dont les satisfactions de besoins sont complètement différentes. Pourtant, en réalité, ces secteurs ont tous une même fonction : la satisfaction des besoins. Quand j’appelle pour avoir des nouvelles d’un membre de ma famille, que je partage une bière avec des amis ou que je prends un repas, c’est mon bien-être que je recherche, c’est la détente. La question est : que m’apporte l’acte que je pose en tant qu’être humain, en tant qu’individu ? De ce point de vue, les barrières sont complètement éclatées entre les secteurs et les entreprises sont concurrentes les unes par rapport aux autres.
Afrik.com : Vous ne parlez pas du secteur de l’artisanat, qui à notre avis a besoin d’un coup de pouce en matière de communication et de marketing…
Ferdinang Nana Payong : C’est vrai, mais c’est un secteur qui nécessite quand même un encadrement. Les artisans n’ont pas de moyens, mais s’ils se regroupent au sein d’associations, de fédérations, si au niveau du ministère de la Culture tout est structuré pour qu’on leur apporte un appui, je pense que, là, ça peut devenir intéressant. Si tous les bâtiments publics sont décorés d’objets d’art locaux comme le propose le ministre de la Culture, Ama Tutu Muna, on augmentera ainsi leur visibilité et ce sera un acte de marketing et de communication, un moyen de mise en valeur des œuvres d’art. Car le domaine de l’art est souvent très oublié. Un artisan n’a pas beaucoup de moyens mais si on va vers lui et qu’on fait un petit sacrifice, on peut gagner beaucoup d’argent.
Afrik.com : Quels sont à votre avis les problèmes de marketing et communication que connaissent les entreprises au Cameroun?
Ferdinang Nana Payong : Le problème de positionnement est un problème crucial pour les entreprises camerounaises. Les Américains disent « If you don’t know what you stand for, then you stand for nothing ». Beaucoup d’entreprises s’enlisent dans ce que nous appelons la voie médiane parce qu’elles ne sont ni petites ni grandes. Pire encore, elles ne sont spécialisées dans rien. Et quand vous n’êtes spécialisés dans rien, vous n’existez pas. Nous avons justement voulu encourager une entreprise brassicole appelée « SOFAVIN » qui, sans être une très grosse entreprise, s’est spécialisée dans la fabrication d’un type de vin. Nous lui avons décerné un trophée spécial pour son rayonnement dans la sous-région Afrique Centrale. On la retrouve à Pointe Noire (Congo), à N’djamena (Tchad), en Centrafrique. Et c’est vers cela que les entreprises devraient aller, chercher à étendre leur espace de marché. Nous avons également décerné le même trophée à une autre entreprise dans une catégorie différente CAMLAIT, qui fait dans la production des produits laitiers. Elle n’a pas de gros moyens comme sa concurrente NESTLE, par exemple, mais lors du grand oral ses responsables ont pu démontrer qu’avec peu de moyens on peut concurrencer les grosses entreprises. Elle a donc été plébiscitée et a reçu le prix spécial du jury.
Afrik.com : Quel bilan faites-vous après cette 6ème édition des Étoiles du Marketing et de la Communication?
Ferdinang Nana Payong : Sur le plan de l’organisation, je suis relativement satisfait. Sur le plan de la participation, j’étais très satisfait pour le public en qualité et en quantité. En terme d’entreprises, sur vingt quatre entreprises, il y a en qu’une seule qui n’a pas daigné venir. Mais ça ne me surprend pas, cela se traduit aussi sur le comportement quotidien de cette entreprise, la Société des Brasseries du Cameroun (SABC). L’année dernière cette entreprise a gagné trois ou quatre trophées. Cette année, je pense que leurs responsables savaient bien qu’ils avaient très peu de chance de remporter des trophées, c’est pourquoi ils ne sont pas venus. Certaines personnalités se sont intéressées à l’événement. Pendant la soirée on a pu voir quelques membres du gouvernement et certains ambassadeurs. De ce point de vue, je ne suis pas à plaindre mais je dois dire que j’attends vraiment le soutien des ministères de la Communication et de l’Enseignement Supérieur qui sont les plus concernés par cet événement.
Afrik.com : Quels sont vos projets et perspectives ?
Ferdinang Nana Payong : Je suis sérieusement en train de me demander s’il faut que je continue, parce que ça me coûte la peau du bas du dos, ça coûte très cher ! Pas seulement en terme d’investissement ou de fonctionnement, mais surtout en terme de temps. Je ne peux rien faire d’autre pendant trois ou quatre mois. Et pour mon entreprise, c’est quelque chose de très lourd. Si je n’ai pas une subvention, parce que Dieu sait si on donne de l’argent aux gens à ne rien faire dans notre pays, si les départements ministériels concernés par cette activité estiment qu’au bout de la 6ème édition, je n’ai pas encore fait mes preuves, il va falloir que j’arrête. Ce que je fais, je le fais d’abord pour la jeunesse. Il faut montrer aux jeunes qu’on les soutient, qu’on les comprend et qu’on est avec eux. Et non attendre qu’ils descendent dans la rue pour aller dans les antennes leur parler !
Afrik.com : Que faut-il faire pour que les entreprises comprennent l’importance de la communication et du marketing?
Ferdinang Nana Payong : Je crois qu’il faut multiplier ce genre d’initiatives. Pas forcément donner des prix mais organiser les palabres marketing comme cela se fait à Douala tous les trois mois, organiser des salons professionnels et puis surtout penser à la formation et au recyclage des cadres du secteur du marketing et de la communication.
Crédits de la photo de Ferdinang Nana Payong : Dorothée Ndoumbè