La « Mêlée ouverte au Zoulouland » de Tom Sharpe est un livre jubilatoire. Cette tragi-comédie acide, publiée en 1971, allie blagues potaches et analyses féroces de la société sud-africaine. Elle plante un fer brûlant dans la chair nauséabonde du régime d’apartheid.
Piemburg, « ramassée au pied des montagnes du Drakensberg et blottie contre l’escarpement d’un haut plateau », est une « petite ville morte et embaumée ». « La moitié du cimetière de New-York, mais deux fois plus mort ». Mais Piemburg a bien d’autres charmes, celui notamment d’être la « seule cité de la République sud-africaine à hisser encore le drapeau britannique » sur son hôtel de ville. Voilà pour le décor. Mêlée ouverte au Zoulouland, publiée en 1971, se passe en plein apartheid. Quant aux personnages qui participent au drame, ils sont savoureusement caricaturaux et haïssables.
Il y a le kommandant van Heerden, à la tête du commissariat, « qui n’a que peu d’illusions sur lui-même et beaucoup sur tout le reste ». Le konstable Els, « dont l’aptitude innée à la violence, et tout particulièrement à tirer sur les Noirs, n’avait d’égal que son attrait pour le cognac et sa prédilection pour forcer un passage aux parties les moins attirantes de son corps dans celles des femmes africaines ». Et miss Hazelstone, tireuse d’élite revêche, digne représentante de l’Empire britannique, régnant sans partage sur la résidence Jacaranda.
Ecriture au coupe-coupe
C’est par elle que le scandale, et par là toute l’histoire, arrive. Mais il faut se plonger dans le livre pour découvrir cette tragi-comédie insensée, cette peinture féroce et vitriolée du régime d’apartheid et tout ce qu’il comporte d’aberrations. Les sentiments humains les plus vils y sont exposés dans une débauche de bons mots, d’humour noir et de tendances sado-masochistes.
On pense au surréalisme des Monty Python, au décalage des frères Marx, au ridicule de Police Academy. Et on a envie de lire la suite, Outrage public à la pudeur. L’Anglais Tom Sharpe passera dix ans (1951-1961) en Afrique du Sud, avant d’être expulsé du pays pour avoir écrit et représenté une pièce contre l’apartheid. Ses livres, qu’il avouait « travailler au coupe-coupe », sont l’occasion de se souvenir de cette sombre période de l’histoire sud-africaine en riant… jaune.
Mêlée ouverte au Zoulouland et Outrage public à la pudeur de Tom Sharpe, éditions 10/18.