Depuis la dissolution de la police d’État égyptienne le 15 mars dernier, les insurgés qui avaient pris le bâtiment font fuiter des documents sur le réseau social Facebook, révélant ainsi des informations explosives.
Après la dissolution, le 15 mars dernier, de la Sécurité d’État – la police politique de l’ancien régime – des rumeurs de destructions de documents ont circulé dans les rues du Caire. Les anciens insurgés ont alors envahi le ministère de l’Intérieur, qui abrite les locaux de la Sécurité d’État, afin de préserver les preuves de plusieurs années de pressions, de tortures et d’arrestations arbitraires. Les appartements de l’ancien ministre ont été visités en premiers. Salle de bain, bureau, salon : une visite guidée filmée et diffusée par les insurgées, abasourdis par autant de richesses.
Enfin, les visiteurs sont parvenus à pénétrer dans les locaux de l’ancienne police d’Etat. En plus des vêtements de danseuses, ils ont mis la main sur une grande quantité de documents confidentiels. L’armée égyptienne s’est proposée de conserver ces documents en lieux sûrs. Mais les insurgés, craignant de ne jamais les revoir, les ont immédiatement diffusés grâce aux réseaux sociaux en créant une page baptisée Amn Dawla Leaks, « Fuites de la Sécurité d’État ».
Défaut de précautions
Le logo d’Amn Dawla Leaks, rappelle celui de son grand frère Wikileaks, un sablier constitué de deux globes terrestres, surmontés d’une bougie pour la version égyptienne. L’objectif est le même que celui de Wikileaks : faire fuiter des documents confidentiels. Par contre, les précautions de diffusion sont moindres. Rien ne garantit l’anonymat des contributeurs. En ayant choisi le réseau social Facebook pour révéler ces documents, les insurgés se sont exposés à des risques importants. En cas d’enquête policière, le réseau social devra transmettre les informations d’identification aux enquêteurs. Rien ne garantit non plus la pérennité des documents. En les postant sur Facebook, le réseau social est devenu propriétaire des images et peut les supprimer si cela lui est demandé. Cependant, depuis la création du compte Amn Dawla Leaks, les documents sont récupérés, puis diffusés sur de nouvelles plateformes, tels Flickr ou des sites autonomes. Mais la multiplication des sites de diffusion, partant du principe des sites miroirs de Wikileaks, risque aussi de mélanger originaux, copies et faux documents. Amn Dawla Leaks est soucieux de cette dérive et prévient ses usagers dans un post. « De faux documents ont peut-être été laissés par la Sécurité d’État pour enflammer les conflits entre les citoyens, nous devons être vigilants et bien vérifier la véracité des documents laissés par cette organisation diabolique », écrit l’administrateur.
Révélations
La publication des câbles et des documents sur ces sites a déjà permis plusieurs révélations importantes. Outre des annonces de diffusion de vidéos sur les frasques sexuelles des dirigeants arabes dont tout le monde attend de voir le contenu, d’autres documents révèleraient que les services secrets égyptiens auraient pilotés des attentats, affirme Slate Afrique. Notamment celui du complexe touristique de Charm el-Cheikh en 2005 ou celui contre l’église copte d’Alexandrie fin 2010, qui a fait 21 morts. Autant d’attentats qui étaient attribués à des groupes islamistes fortement combattus par le régime de Moubarak, et qui pourrait les avoir volontairement discrédités si l’implication de la Sécurité d’État se confirmait. Enfin, autre révélation : la place des Coptes dans les services secrets, qui serait paradoxalement très importante voire majoritaire. Moins d’un mois après sa création, le Wikileaks égyptien ne compte pas s’arrêter là et promet de nouvelles salves de documents.