Le colonel Djibrilla Hamidou Hima, représentant du nouveau pouvoir militaire au Niger, est revenu samedi à Bamako, en marge du sommet des Chefs de l’Etat de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), sur les motifs du coup d’Etat du 18 février. Les militaires ont affirmé leur volonté d’organiser des élections après avoir « assaini » la situation. Pour le président Abdoulaye Wade, le médiateur de la crise nigérienne nommé par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, trouver une solution au vide constitutionnel doit être une priorité.
Notre envoyée spéciale
La junte militaire nigérienne, qui a déposé jeudi le président Mamadou Tandja, s’est invitée ce samedi au sommet de l’Union économique et monétaire ouest-africaine pour s’expliquer ». « Si les textes n’avaient pas été bafoués, nous ne serions pas sortis des casernes », a confié à la presse le colonel Djibrilla Hamidou Hima du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD). Il avait été reçu quelques minutes plus tôt par les chefs d’Etat de l’Uemoa. Le président malien Amadou Toumani Touré, président en exercice de l’organisation, a indiqué que les représentants du nouveau pouvoir nigérien étaient venus « pour (leur) porter l’information, (leur) donner des explications et (…) les nouvelles du président (Tandja) et de sa famille et des membres du gouvernement qui ont été tous relâchés hier (vendredi). »
« J’ai rencontré mes aînés, j’ai expliqué notre problème. Ils nous ont écoutés et nous ont demandés de leur donner des explications. Tous n’étaient pas surpris de ce qui s’est passé. Ils nous ont prêté une oreille attentive. ils nous ont compris, ils nous ont rassurés », a affirmé pour sa part Djibrilla Hamidou Hima. Le chef de l’Etat sénégalais Abdoulaye Wade, médiateur désigné par la Communauté économique des Etats de l’Afrique dans la crise nigérienne, compte parmi les dirigeants africains qui n’étaient pas «surpris», même s’il n’imaginait pas un coup de force.
Cette rencontre de l’Uemoa a été ainsi l’occasion pour le président du Sénégal de donner son point de vue sur la situation au Niger. « Au sommet de l’Union africaine d’Abuja, j’ai reconfirmé devant tous les chefs d’Etat que j’étais pessimiste parce que je voyais (..) deux parties sans que l’une ou l’autre accepte de faire un pas, en particulier de la part du président Tandja. », a expliqué Abdoulaye Wade. « Tout le monde savait que cette situation ne pouvait pas durer indéfiniment mais je ne pouvais pas imaginer un coup d’Etat militaire (…), a-t-il ajouté, (car) le président Tandja m’a dit qu’il n’ y aura pas de coup d’Etat militaire parce que l’opposition elle-même est allée voir les militaires pour leur demander de prendre le pouvoir et les militaires ont refusé en leur disant : « Allez vous arrangez (…) ». Mais cela ne m’a pas surpris. ».
« Le Niger doit s’orienter vers une nouvelle Constitution »
Dans le contexte actuel, le médiateur plaide pour « le retour à une légalité constitutionnelle », même s’il n’exclut pas d’autres solutions pour sortir le pays d’une situation qu’il juge « inextricable » à cause du vide constitutionnel. « Le Niger doit s’orienter vers une nouvelle Constitution », fruit des consultations « avec toutes les formations politiques, y compris les militaires », qui sera ensuite soumis à référendum. « Je ne sais pas combien de temps cela va demander parce qu’ils (les militaires) ont dit qu’il fallait mettre de l’ordre d’abord », a poursuivi Abdoulaye Wade.
Le colonel Djibrilla Hamidou Hima a fait part de l’intention de la junte « d’assainir la situation politique, de réconcilier les Nigériens ». « Nous comptons organiser les élections, mais avant, il faut assainir la situation », a-t-il déclaré. A Bamako, la junte nigérienne s’est voulue également rassurante sur sa volonté de rendre le pouvoir aux civils.« Nous ne sommes pas des Dadis », a souligné Djibrilla Hamidou Hima. Moussa Dadis Camara, le chef de la junte guinéenne, victime d’une tentative d’assassinat le 3 décembre dernier, voulait se présenter aux élections présidentielles après avoir promis de ne pas le faire lors de sa prise de pouvoir. « Nous sommes ATT (l’actuel président malien) », a poursuivi le chef militaire nigérien. Amadou Toumani Touré, lui, avait tenu parole après le coup d’Etat militaire de 1991 et s’était présenté au scrutin présidentiel de 2002 qu’il avait remporté.
Le médiateur Abdoulaye Wade a également affirmé la « bonne volonté (des chefs d’Etat de la sous-région) à aider le Niger à aller de l’avant pour arriver à une nouvelle situation normale constitutionnelle. » Une mission conjointe des Nations unies, de l’Union africaine et de la Cedeao, conduite par Saïd Djinnit, le représentant du secrétaire général des Nations unies en Afrique de l’Ouest, est au Niger ce dimanche.
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