Une interview exclusive de Mamadou Sané, dirigeant indépendantiste en exil. Son mouvement, le M.F.D.C., accueille avec espoir le nouveau président du Sénégal.
Résident français, Mamadou Nkrumah Sané est le secrétaire général adjoint de l’organisation indépendantiste Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (M.F.D.C.). Située au Sud de l’enclave gambienne, adossée à la Guinée-Bissau dont elle partage l’histoire coloniale plus que celle du Sénégal, la Casamance est le théâtre, depuis dix-huit ans, d’une guérilla endémique entre l’armée sénégalaise et le M.F.D.C. – dont le secrétaire général, l’abbé Augustin Diamacoune, est en liberté surveillée.
Afrik : Qu’attendez-vous du nouveau président Abdoulaye Wade ?
Wade connaît bien le problème casamançais. Suite à la trahison du PS (parti de Senghor puis de Diouf, NDLR), c’est lui qui fut chargé de négocier avec nous un cessez-le-feu en 1991. J’ai rencontré Wade plusieurs fois alors que j’étais détenu au Sénégal. Nous avons aussi retenu de sa campagne qu’il nous désigne comme des « indépendantistes », alors que Diouf ne parlait que de « séparatistes », quand il ne nous traitait pas de « bandits de grand chemin » ou de « frères égarés ». Wade se dit aussi capable de régler le problème casamançais. Il souhaite nous rencontrer, avant d’aller aborder notre problème avec les Bissau-guinéens. C’est à son gouvernement de nous envoyer des signaux maintenant. Nous lui rappellerons, comme à ses prédécesseurs, que le Sénégal, ancienne victime de la colonisation, ne peut être un colon à son tour.
Vous semblez lui laissez le bénéfice d’un a priori favorable. Mettrez-vous des préalables à une éventuelle négociation ?
Tout peut être discuté, hormis la perspective de notre indépendance. La grande question, c’est de savoir si Wade peut se dégager de l’emprise des militaires.
Pourquoi le M.F.D.C. est-il passé, au cours de son histoire, d’une revendication d’autonomie interne à celle de l’indépendance ?
Notre mouvement est essentiellement démocratique et pluraliste. Leopold Sedar Senghor (l’ancien président sénégalais, NDLR) avait promis, lors d’une réunion électorale à Zighinchor en mars 1978, que s’il était réélu il accorderait l’indépendance aux Casamançais. Non seulement il n’en a rien fait, mais son successeur à partir de 1981, Abdou Diouf, nous a poussé vers la radicalisation en prétendant étouffer militairement les aspirations de notre peuple.
Pensez-vous que la population de la Casamance aspire majoritairement à l’indépendance ?
Bien sûr, nous n’avons pas d’éléments statistiques. Mais notre présence sur le terrain, notre témoignage permanent en faveur de la cause de l’indépendance portent leur fruits. N’oubliez pas que la Casamance fait partie, depuis 1645, d’un ensemble composé également de la Gambie et de la Guinée-Bissau. Notre séparation est le fait des colons, pas celle de notre peuple.
Quel serait le programme d’un gouvernement casamançais indépendant ?
Nos premiers devoirs seraient de produire, d’éduquer et de soigner. La seconde urgence serait de mettre en place des coopérations régionales.
Y compris avec le Sénégal ?
Cela va de soi.