La CEDEAO traverse depuis plusieurs mois une mauvaise passe. Une situation aggravée ces derniers jours par la situation togolaise où l’organisation régionale s’est visiblement emmêlée les pinceaux, écorchant davantage son image qui n’était plus des plus reluisantes.
La CEDEAO, organisation régionale autrefois enviée, traverse, depuis quelques années, des moments très difficiles où son existence même semble menacée. De nombreux coups durs sont portés à cette organisation qui, jadis, faisait la fierté des Ouest-Africains. C’est au Togo que la CEDEAO a reçu son dernier coup. Ceci dans un rétropédalage qui n’est pas passé inaperçu dans la sous-région.
Quand la CEDEAO se dédit
Lundi dernier, la CEDEAO avait publié un communiqué annonçant une mission exploratoire au Togo. Laquelle mission devrait intervenir dans le cadre des tensions nées de l’adoption, le 25 mars, par le Parlement d’un nouveau projet de Constitution. Dans ce communiqué, l’organisation régionale avait reconnu « la gravité des réformes constitutionnelles controversées que le gouvernement prévoyait d’introduire ». Dans ce sillage, la mission à déployer sur place avait pour objectif initial d’« interagir avec les principales parties prenantes sur les derniers développements dans le pays », comme le précisait bien le communiqué.
Cependant, quelques heures plus tard, ce communiqué sera supprimé et remplacé par un autre qui annonce plutôt une mission d’information qui « entreprendra une évaluation préélectorale conformément aux textes communautaires et ne s’engagera dans aucun autre processus comme indiqué dans un communiqué antérieur, qui a été retiré ». La CEDEAO est donc publiquement revenue sur une position qu’elle avait préalablement affichée. Une volte-face qui ne peut pas et n’est pas passée inaperçue dans la sous-région et particulièrement dans le pays concerné, le Togo où des organisations de la société civile avaient clairement demandé l’intervention de la CEDEAO dans la crise en voie d’éclater consécutivement à la révision de la Constitution.
Ces organisations ont alors laissé libre cours à leurs critiques vis-à-vis de l’institution régionale qu’elles accusent de cautionner indirectement la démarche « anticonstitutionnelle du pouvoir ». Pour David Dosseh, membre de cette société civile, qui s’est confié à la DW, « cette succession de communiqués contradictoires sur les vrais objectifs de la mission de la CEDEAO au Togo n’est pas faite pour nous rassurer ». Et d’ajouter : « Il y a une espèce de volte-face de la CEDEAO et cela nous amène à nous interroger sur la volonté véritable de cette institution de faire face à la question du coup d’État constitutionnel ».
La CEDEAO a-t-elle subi des pressions du Togo ?
La question qui est alors sur toutes les lèvres est celle-ci : pourquoi ce rétropédalage ? Face à l’absence de clarification de la part de la CEDEAO elle-même, le champ est ouvert à toutes sortes d’hypothèses et de supputations dont aucune n’arrange l’organisation régionale. Lomé a-t-elle fait pression sur la CEDEAO pour qu’elle opère ce virage à 360° ? Cela paraît relever de l’évidence. La question qui vient après est de savoir quel genre de pression ? Le Togo sera-t-il allé jusqu’à menacer de quitter l’organisation comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger candidats au départ depuis janvier dernier ?
En tout cas, les pressions semblent avoir été suffisamment sérieuses pour obliger la CEDEAO à avaler des couleuvres aussi grosses. Ce qui, en l’espèce, ne rend aucunement service à l’organisation commune. Bien au contraire, dans sa position actuelle, la CEDEAO est davantage fragilisée, décrédibilisée, descendue de son piédestal si tant est qu’elle y fût toujours.
Ceci d’autant plus que le reproche le plus vigoureux qu’elle subit depuis longtemps, c’est justement son silence coupable dans ce qu’il convient d’appeler « coups d’État constitutionnels ». Cette fois que l’organisation a voulu réagir dans le bon timing, cette réaction est étouffée dans l’œuf, révélant davantage au grand jour l’une des faiblesses majeures de la CEDEAO : son inféodation aux chefs d’État qui apparaît comme un véritable boulet attaché à ses pieds et qui l’empêche d’avancer.
Jamais, depuis sa création, l’existence même de la CEDEAO n’a paru aussi menacée. Ce qui est certain, c’est que l’avenir de l’organisation est entre les mains des chefs d’État. Elle survivra s’ils choisissent de la laisser vivre, mais mourra de sa belle mort si rien n’est fait pour changer l’ordre actuel des choses. Dans tous les cas, la mort de la CEDEAO serait un sérieux recul dans le processus d’intégration non seulement pour la sous-région ouest-africaine, mais pour l’Afrique entière.