Parmi les 31 nouveaux sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en décembre 2001, quatre se situent en Afrique subsaharienne : Tsodilo au Botswana, la colline royale Ambohimanga à Madagascar, la vieille ville de Lamu au Kenya et les tombes des rois du Buganda à Kasubi en Ouganda. Aujourd’hui, zoom sur Tsodilho.
Avec les églises creusées dans le roc de Lalibela, le parc national du Simen, en Éthiopie, et l’île de Gorée au Sénégal, l’Afrique était présente dès les 12 premières inscriptions sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en 1978, aux côtés de l’Allemagne, du Canada, de l’Équateur, des États-Unis et de la Pologne. Mais au fil des années, sa représentation n’a pas suivi le même rythme de croissance que celle des autres parties du monde.
Une des raisons de ce déséquilibre est le nombre restreint de candidatures émanant des Etats africains. Confrontés à de multiples problèmes d’ordre économique et social, ces derniers ne sont pas toujours en mesure de mettre la culture au premier plan de leurs préoccupations. Par ailleurs, expertiser un site et préparer un dossier de candidature exige des moyens financiers considérables, qui dépassent souvent les possibilités d’un pays du sud.
Paysage culturel
Afin de les aider à préparer des listes de biens susceptibles d’être inscrits au patrimoine mondial, à préparer leurs propositions d’inscription ou à demander une coopération technique, l’Unesco a prévu une » assistance préparatoire » sous forme de services de consultants, d’équipement ou d’aide financière, dont le plafond est fixé à 30 000 dollars. Lors des dernières inscriptions, en décembre 2001, Madagascar a ainsi bénéficié de 18 300 dollars, le Kenya de 15 924 dollars et le Botswana de 19 904 dollars.
Le Comité a ainsi ouvert la voie à une distribution plus représentative du patrimoine de l’humanité. Une nouvelle notion est née : le » paysage culturel « . Il s’agit de lieux exceptionnels qui, sans posséder obligatoirement des monuments historiques, associent étroitement les phénomènes culturels et religieux aux phénomènes naturels, ou perpétuent des traditions vivantes au sein des sociétés contemporaines. Tel est le cas de trois des nouveaux sites africains : Tsodilo, Ambohimanga et Kasubi.
Tsodilo, le Louvre du désert
Avec le paysage culturel de Tsodilo, dans le désert du Kalahari, le Botswana fait sa première apparition sur la liste du patrimoine mondial. Ses quelque 4 500 peintures rupestres et ses nombreuses gravures, concentrées dans une zone de 10 km2 seulement, ont valu à Tsodilo le surnom de » Louvre du désert « . Véritable galerie d’art rupestre, ce site perpétue la mémoire de l’évolution humaine et environnementale sur une durée d’au moins 100 000 ans. Royaume abritant les esprits ancestraux, selon la tradition, Tsodilo est aussi un lieu de culte pour les Hambukushu et les Kung, communautés arrivées dans la région au 19e siècle, qui peuplent aujourd’hui cette région aride.
La spiritualité du lieu a été révélée à l’étranger au milieu du siècle dernier, notamment par les écrits de Laurens van der Post, auteur de The Lost World of the Kalahari (1958). Aujourd’hui, Tsodilo accueille un grand nombre de pèlerins et de médecins traditionnels qui s’y rendent pour prier, méditer et soigner.
Méditer à Tsodilo
Situé dans le nord-ouest du Botswana, près de la frontière namibienne, Tsodilo est formé d’un socle massif ancien de roches quartzites, bordé d’anciennes dunes à l’est et du lit d’un lac fossilisé à l’ouest. Ses dunes environnantes, ses inselbergs (petits monts résiduels dénudés), ses roches multicolores, associés aux nombreuses peintures rupestres, confèrent à ce paysage aride un aspect unique.
De taille imposante et visibles de loin, les plus anciennes peintures rupestres sont pour la plupart exécutées à l’ocre rouge, tirée de l’hématite que l’on trouve dans la roche locale. Les motifs dominants sont les » grands gibiers « , tels que la girafe et le rhinocéros, les abstractions humaines insistant souvent sur les caractères sexuels, mais aussi les dessins géométriques à caractère symbolique que l’on rencontre rarement dans l’art de l’âge de la pierre, en Afrique australe. Plus récentes, les peintures dites blanches, parfois peintes par-dessus les rouges, représentent généralement des espèces domestiques et des formes géométriques. Datant du 6e siècle, pour certaines, du 12e, pour d’autres, voire même du 19e, elles témoignent de la continuité et du dynamisme de cette tradition dans la région.
Musée à ciel ouvert
Proclamé monument national en 1927, Tsodilo est la propriété du gouvernement botswanais, gérée par le musée national. Le plan de gestion des monts de Tsodilo (mis en oeuvre en 1994 et révisé en 1999) est basé sur des principes de conservation universels et modernes, tout en respectant son contexte particulier, à savoir, une politique nationale de développement des zones rurales visant à améliorer la qualité de vie de leurs habitants. De plus, il prévoit une action pédagogique auprès des populations, afin qu’elles apprennent à apprécier leur patrimoine et à en profiter sans le dégrader.
Environ 30 000 touristes visitent les monuments historiques du Botswana chaque année, dont 10% environ se rendent à Tsodilo. Son inscription sur la Liste du patrimoine mondial devrait permettre à la fois de développer le tourisme culturel et de recenser systématiquement les oeuvres d’art rupestres du site.