Porté par la diaspora congolaise de France, « Visiter le Congo » est un projet de plateforme numérique qui a pour ambition de faire la promotion des sites touristiques du Congo Brazzaville. Une campagne de financement participatif a débuté depuis le 17 mars. Et le projet commence à prendre tournure.
Voici des mois que Guillaume Kouka, 40 ans, donne de son temps pour mener à bien son projet de vie tourné vers son pays d’origine : le Congo Brazzaville. Niché sur l’équateur, ce pays cumule 170 kilomètres de façade maritime, presque autant de sable fin, des forêts aux essences et aux espèces rares et des paysages naturels somptueux. Pourtant, comme bon nombre de ses voisins, il n’a jamais été mis en avant comme un lieu de villégiature. La faute aux idées reçues. Et à cette fâcheuse tendance occidentale d’associer systématiquement le continent africain à la guerre ou la pauvreté. Président de Urbanise C1+, une association qui travaille sur les questions de développement en zone urbaine au Congo Brazzaville, Guillaume ne voit pas les choses du même oeil. Selon lui, il est temps que son pays prenne conscience de ses atouts : « Je crois au potentiel économique de mon pays. Nous nous sommes intéressés au tourisme parce que celui-ci peut créer de la richesse et des emplois à court et moyen terme. Ce secteur est réellement une piste sérieuse à la diversification de l’économie congolaise. En plus nos compétences en aménagement du territoire sont très utiles pour équiper et développer les zones touristiques ». En effet, aujourd’hui, les lieux à visiter restent peu cartographiés. Le tourisme reste artisanal dans un monde où il est une industrie.
« Des contrées que vous n’imaginez pas »
Coeur vert de l’Afrique centrale, irrigué de toute part et généreusement arrosé, la République du Congo est une terre nourricière à l’exubérante flore. Dès que l’on pénètre dans les terres, la diversité des biotopes n’a d’égal que l’opulence des paysages. Les nombreuses réserves naturelles du pays permettent de découvrir une faune variée, même si les conditions sont parfois sommaires. A l’exception des parcs de Conkouati au sud ou de la Léfini vers Brazzaville, où les conditions de confort sont meilleures. Sans parler du parc d’Odzala au nord du pays aux accents de lodges sud-africains. Les forêts de la Sangha et de la Likouala qui l’entourent, dont le coeur est le territoire privilégié des Pygmées, restent des terres difficiles d’accès et à parcourir. Il faut alors savoir sortir des sentiers battus. « Nous souhaitons répondre à un besoin, poursuit Guillaume. Je pense à la diaspora qui est en vacances comme aux hommes d’affaire. Comme à de simples citoyens en manque de distraction, à la recherche de nouveauté et amoureux de la nature. Notre plateforme va être un guide touristique numérique du pays et vous transportera vers des contrés que vous n’imaginez pas ». Le site internet aura un caractère collaboratif. Son contenu ne sera pas uniquement produit par les administrateurs en place. Toutes les personnes qui ont exploré un site auront la possibilité de venir y publier des chroniques, photos et autres vidéos. Un concept déjà expérimenté via la page Facebook de Visiter le Congo.
Sapé comme jamais
Outre ses merveilles cachées et sa biodiversité, le Congo Brazza et ses habitants font preuve d’une énergie débordante et d’une vitalité rieuse. Entre amour de la danse et culte de la sapologie. Une culture ancrée, bien plus précieuse que le pétrole. « Je soutiens le projet parce qu’il est innovant et permettra de valoriser tous les paysages méconnus du Congo Brazzaville sans oublier qu’il va indéniablement créer des emplois, surtout pour les jeunes. C’est mon pays d’origine. C’est la beauté à l’état pur. Et le fait de le voir briller à travers ses beaux paysages via la plateforme me rend de plus en plus fière de mes origines », confie la blogueuse Ange Amourelle. Au tour des designers d’Awaxland, une marque spécialisée dans la customisation à base de tissus en wax, de renchérir : « C’est un tissu qui est culturellement liè à l’Afrique. Ce point particulier qu’est la promotion de la culture africaine en générale est notre point de ralliement à ce projet de plateforme ». Un projet qui bénéficie également du soutien de Jocelyn Armel dit le Bachelor. Si vous vous baladez un jour rue de Panama dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, vous aurez toutes les chances de croiser cet ambassadeur de la sape. La classe à la congolaise, en mode dandy.
L’exemple du Rwanda, du Nigéria et du Bénin
Le développement du tourisme est-il une piste sérieuse pour diversifier l’économie congolaise ? Aujourd’hui, ce pays d’Afrique centrale est durement frappé par la chute des prix du pétrole que rien ne semble enrayer. Cette dégringolade des prix de l’or noir a entraîné le pays dans une grave récession. Ses réserves financières ont fondu comme neige au soleil et l’endettement a explosé, dépassant les 70% du PIB. Pour Guillaume Kouka, « il est impératif que le pays multiplie ses sources de revenus. Il a suffisamment de potentiel pour réussir sa diversification, même-si les résultats tardent. Avec le développement du secteur agropastoral, le tourisme est une piste sérieuse pour diversifier l’économie. Nous avons un potentiel touristique largement sous-exploité. Nous avons la chance d’être placé au cœur du deuxième poumon de la planète : le massif forestier du bassin du Congo qui constitue un diamant écologique. Et nous sommes un des plus importants creusets de culture, de littérature et d’art d’Afrique ». Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, plus de 1,3 milliards de personne en 2015 ont visité un autre pays que le leur, en dépensant plus de 1 500 milliards de dollars. Ainsi, au Sénégal, le tourisme rapporte plus de 300 milliards de francs CFA. C’est le deuxième contributeur aux recettes de l’État. En 2015, le Rwanda a attiré plus de 1,3 millions de touristes, alors qu’ils n’étaient que 20 000 en 2004.
Toujours selon l’OMT, l’Afrique centrale est la dernière région touristique du monde. Les pays de la sous-région n’attirent que 1% du nombre de touristes internationaux. Ici, l’insécurité ou le manque de stabilité politique n’expliquent pas tout. En effet, le Rwanda n’est pas fondamentalement différent du Congo. Ce dernier fait face à d’importants défis sécuritaires et n’est pas exemplaire en matière de respect des droits de l’Homme. « Des pays comme le Nigeria qui connaissent des phénomènes sécuritaires plus graves que ceux que connaît notre pays ont des meilleurs statistiques touristiques, corrobore Guillaume. La République du Congo, même en temps de paix, n’a jamais été un pays touristique. L’insécurité ou l’instabilité ne peut avoir qu’un effet relatif sur une activité qui n’existe quasiment pas ». Autre exemple significatif, celui du Bénin. Le Président Talon a décidé de faire du tourisme un des principaux axes de développement de son pays. Son gouvernement a récemment annoncé un investissement de 600 milliards de francs CFA et s’est fixé comme objectif de faire venir 700 000 touristes d’ici 2021.
Un crowdfunding à 10 000 euros
Mais que sait-on de la stratégie en cours en matière de tourisme en République du Congo ? Depuis mai 2016, le pays s’est doté d’un plan directeur du tourisme durable. Les réformes institutionnelles et les investissements préconisés ne dépasseraient pas les 100 milliards de francs CFA. Pour l’heure, en tout cas, rien de concret. « La nouvelle ministre, Arlette Soudan Nolnaut, a pris, depuis sa prise de fonction courant 2016, beaucoup d’initiatives. Nous saluons le fait qu’elle ait réussi à faire du tourisme un sujet majeur dans le débat de la diversification. Mais ces initiatives sont très loin du compte et ne suffiront pas à faire décoller le secteur. Il faut que les plus hautes autorités du pays, à l’instar des Présidents Talon et Kagamé, posent des actes forts. Pourquoi ne pas instituer une journée nationale du tourisme ou convoquer une conférence internationale sur le tourisme en Afrique centrale comme cela a été le cas pour le Fonds bleu ? », préconise Guillaume. Dans ce contexte, son association vient de lancer une opération de crowdfunding via Ulule.
Objectif fixé ? 10 000 euros. Dans le but, entre autres, d’acheter des équipements informatiques, de constituer une équipe de rédacteurs sur place à Brazzaville et de réaliser quatre webséries. « Un consommateur à très peu de chance d’acheter un produit qu’il ne connaît pas. Nous voulons offrir un espace de visibilité au Congo profond qui est d’une beauté exceptionnelle. Nous voulons faire rêver, donner envie à tous les touristes du monde entier. La République du Congo, ce ne sont pas que les crises politiques ou sécuritaires qui font les choux gras de la presse internationale, ce sont 342 000 km2 et 4,5 millions d’habitants qui ont beaucoup à offrir. Il y a tout pour devenir une destination attractive, capable d’attirer des touristes du monde entier », conclut Guillaume. Tel est l’enjeu de cette initiative citoyenne portée par une envie profonde d’avancer loin des stéréotypes. A l’instar du chanteur disparu en 2013 Jacques Loubélo et son hymne à la paix dont le refrain « Congo nti éto ya mboté mboté, tu fwéti salila Congo » signifiait : « Quel beau pays Ô Congo ! Oeuvrons pour cette terre ». Une balade à écouter sans modération.
Par Florian Dacheux