À Kigali ce jeudi, Emmanuel Macron a frappé fort. Son discours a frappé Paul Kagamé qui n’a d’ailleurs pas caché ses sentiments. Posément et sûrement, le Président français continue de déployer sa stratégie de repositionnement de son pays en Afrique.
« En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, ce jour, je viens reconnaître nos responsabilités ». La France « a un rôle, une histoire et une responsabilité politiques au Rwanda, elle a un devoir : celui de regarder l’histoire en face et de reconnaître la part de souffrances qu’elle a infligées au peuple rwandais en faisant trop longtemps prévaloir le silence sur l’examen de la vérité ».
Venant de la bouche d’un Président français sur le sol rwandais, et précisément au Mémorial du génocide de Kigali où reposent les restes de 250 000 sur les 800 000 Tutsis massacrés, ces mots sont une première depuis 27 ans. 27 ans que le Rwanda a traversé les heures les plus sombres de son histoire, avec le génocide des Tutsis. Dans cette histoire, le pays de Paul Kagamé en a toujours voulu à la France dont il pointe la responsabilité dans ce génocide. Ce que la France n’avait jamais voulu reconnaître au point où les deux pays en sont venus à rompre leurs relations diplomatiques entre 2006 et 2009. Mais la publication, en mars dernier, du rapport Vincent Duclert qui reconnaît les « responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans le génocide et l’ « aveuglement » du Président François Mitterrand, contribuera à un dégel dans les relations entre les deux pays. Puisque ce rapport a très vite été salué par Kigali comme un « important pas en avant vers une compréhension commune de ce qui s’est passé ».
Pour le Président français dont le pays était déjà en mal de popularité sur le continent africain, il fallait profiter au maximum de cette nouvelle disposition d’esprit moins hostile des autorités rwandaises pour remettre les choses à l’endroit. D’ailleurs, le sommet sur les économies africaines est une occasion d’inviter en France Paul Kagamé dont les séjours en terre française étaient jusque-là extrêmement rares. Et de pousser aussi loin que possible les relations, resserrer davantage les liens entre les deux pays.
À un an de la fin de son mandat qu’il donnera tout pour renouveler, volontiers, Emmanuel Macron entend marquer un grand coup en osant ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a réussi à faire depuis 27 ans : effectuer une visite officielle au Rwanda et reconnaître publiquement la responsabilité de son pays dans le génocide, même s’il rejette toute complicité de la France dans cette tragédie.
Du côté rwandais, le discours d’Emmanuel Macron a laissé un goût de déception aux yeux du président d’Ibuka, une des plus importantes associations de soutien aux victimes. « On s’attendait à ce qu’il présente clairement des excuses au nom de l’État français. Il ne l’a pas fait. Même demander pardon, il ne l’a pas fait », se désole Egide Nkuranga qui finit tout de même par nuancer : le Président Macron « a vraiment essayé d’expliquer le génocide, comment ça s’est passé, ce qu’ils n’ont pas fait, leurs responsabilités […] C’est très important, ça montre qu’il nous comprend ».
Pour le chef de l’État rwandais, son homologue français a posé un acte chargé de sens puisque les paroles qu’il a prononcées à Kigali ont « plus de valeur que des excuses ». Paul Kagamé a salué le « courage immense » dont a fait preuve Emmanuel Macron. C’est pourquoi le Président rwandais est décidé à faire table rase du passé : « Cette visite parle du futur, pas du passé. La France et le Rwanda vont beaucoup améliorer leurs relations au bénéfice de nos peuples, économiquement, politiquement et dans le domaine de la culture (…) Mais la relation entre nos deux pays ne sera jamais totalement conventionnelle. Il y a une familiarité particulière qui résulte de la terrible et complexe histoire que nous partageons, pour le meilleur et pour le pire. Nous souhaitons créer une relation forte et durable, fondée sur des priorités qui comptent pour nous deux, France et Rwanda », souligne-t-il.
Peut-on déjà, à cette étape, parler du succès de cette visite d’Emmanuel Macron en terre rwandaise ? Il est sans doute trop tôt pour le dire. Mais pour une opération de charme, le coup semble bien réussi pour Emmanuel Macron qui a franchi des limites jamais franchies par ses prédécesseurs, depuis le génocide. Tout ceci pour redorer le blason de son pays sur le continent africain qui semblait lui échapper.