
La Tanzanie vient officiellement de mettre fin à sa dernière épidémie de Marburg, après 42 jours sans nouveaux cas. Si cette nouvelle est encourageante, le virus, cousin redoutable d’Ebola avec un taux de mortalité pouvant atteindre 88%, continue de représenter un défi majeur pour les systèmes de santé africains. Entre avancées dans la gestion des crises et absence de traitement spécifique, le point sur cette menace sanitaire encore trop méconnue.
Une épidémie maîtrisée en Tanzanie
Le 13 mars 2025, les autorités sanitaires tanzaniennes ont officiellement déclaré la fin de l’épidémie de Marburg qui sévissait dans la région nord-est de Kagera. Cette annonce intervient après 42 jours consécutifs sans nouveaux cas depuis le décès du dernier patient confirmé le 28 janvier. Le bilan final s’établit à 10 victimes, dont deux cas confirmés et huit cas probables.
Cette victoire contre le virus résulte d’une mobilisation exemplaire. Plus de 1 000 agents de santé de première ligne ont été formés au traçage des contacts, aux soins cliniques et à la communication des risques sanitaires. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a également fourni un soutien logistique conséquent avec la livraison de plus de cinq tonnes de fournitures et d’équipements médicaux essentiels.
« La dévotion des agents de santé de première ligne et les efforts des autorités nationales et de nos partenaires ont porté leurs fruits« , s’est félicité le Dr Charles Sagoe-Moses, représentant de l’OMS en Tanzanie. Cependant, il a souligné qu’une vigilance continue restait nécessaire pour détecter et contenir d’éventuelles réapparitions du virus.
Origines et transmission : un virus intimement lié à la faune africaine
Le virus de Marburg a été identifié pour la première fois en 1967 en Allemagne et en ex-Yougoslavie, après une contamination liée à des singes importés d’Ouganda. Depuis, plusieurs épidémies ont été documentées en Afrique subsaharienne, notamment en Angola, en République démocratique du Congo, au Kenya, en Ouganda, au Ghana, en Guinée équatoriale, au Rwanda, en Afrique du Sud et en Tanzanie.
Le réservoir naturel du virus est désormais bien identifié : il s’agit de la roussette d’Égypte (Rousettus aegyptiacus), une espèce de chauve-souris frugivore largement répandue en Afrique. La transmission à l’homme se produit lors de contacts directs avec ces chauves-souris ou leurs sécrétions, ou par l’exposition aux fluides corporels de personnes infectées. Cette dernière voie de transmission explique pourquoi les personnels soignants et les proches des malades constituent les populations les plus à risque.
Tableau clinique : une évolution rapide et souvent fatale
L’infection par le virus de Marburg se caractérise par une progression fulgurante et dévastatrice. Après une période d’incubation variant de 2 à 21 jours, les premiers symptômes apparaissent de manière brutale : forte fièvre, céphalées intenses, myalgies et fatigue écrasante. Sans intervention médicale rapide, la maladie évolue vers un tableau clinique gravissime comprenant :
- Des hémorragies internes et externes
- Des vomissements de sang
- Des défaillances hépatiques et rénales
Ce syndrome hémorragique explique le taux de létalité exceptionnellement élevé, pouvant atteindre 88% lors de certaines épidémies, faisant du virus de Marburg l’un des agents pathogènes les plus mortels connus à ce jour.
Défis et stratégies de gestion des épidémies
Face à cette menace sanitaire majeure, l’OMS et les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) ont développé une approche multidimensionnelle :
- Renforcement de la surveillance épidémiologique avec déploiement d’équipes de détection précoce dans les zones à risque
- Sensibilisation des populations à travers des campagnes de prévention ciblées
- Formation intensive du personnel soignant aux protocoles de sécurité et à la gestion des cas suspects
L’expérience tanzanienne, comme précédemment celle du Rwanda, démontre qu’une coordination efficace entre autorités nationales et partenaires internationaux peut permettre d’endiguer rapidement les flambées épidémiques. Toutefois, l’absence de traitement spécifique demeure le principal obstacle. Actuellement, les soins administrés aux patients sont essentiellement symptomatiques et de soutien.
Des facteurs environnementaux aggravants
L’intensification des interactions entre les populations humaines et la faune sauvage constitue un facteur d’amplification du risque épidémique. Ce phénomène est directement lié à deux tendances lourdes :
- La déforestation accélérée qui réduit l’habitat naturel des roussettes et pousse ces chauves-souris à se rapprocher des zones habitées
- L’expansion rapide des zones urbaines qui crée de nouvelles interfaces homme-animal propices à la transmission du virus
Pour contrer ces risques émergents, l’OMS et ses partenaires développent une approche « Une seule santé » (One Health) qui intègre santé humaine, santé animale et protection des écosystèmes.
Perspectives : recherche et préparation
Si la gestion des crises sanitaires s’améliore progressivement en Afrique, des efforts considérables restent nécessaires dans plusieurs domaines clés :
- Recherche vaccinale : plusieurs candidats-vaccins sont actuellement en phase de développement préclinique
- Développement d’antiviraux spécifiques capables de bloquer la réplication du virus
- Renforcement structurel des systèmes de santé dans les pays vulnérables
- Surveillance transfrontalière coordonnée pour détecter précocement les cas suspects
La déclaration de la fin de l’épidémie en Tanzanie marque une victoire dans la lutte contre le virus de Marburg mais cette avancée ne doit pas occulter la menace persistante que représente ce pathogène en Afrique.