La ville de Jos a été le théâtre de violents affrontements communautaires. Une semaine après les premières attaques, les Nigérians fuient cette région. Si pour l’instant aucun bilan officiel n’a été communiqué, ces violences auraient fait, selon des sources religieuses et des secouristes, au moins 400 morts. Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur en sciences politiques, spécialiste du Nigeria, explique à Afrik.com les raisons de ces troubles et revient sur les conflits qui secouent depuis plusieurs années cette région.
Après plusieurs jours de violents affrontements, le calme semble s’instaurer à Jos, la capitale de l’Etat du Plateau, située à la frontière entre le Nord musulman et le Sud chrétien, au centre du Nigeria. Néanmoins, de nombreux Nigérians ont commencé à fuir, dimanche, par crainte de nouvelles attaques dans ce secteur. Après un décompte effectué auprès des responsables musulmans de Jos, l’organisation Human Rigths Watch, ces violences communautaires auraient coûté la vie à au moins « 364 musulmans ». Pour l’instant, aucun bilan officiel n’a été établi mais il pourrait dépasser les 400 morts, selon des sources religieuses et secouristes. Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste des conflits sur le continent africain revient sur l’origine des ces violences et nous éclaire sur la situation du Nigeria. Interview.
Afrik.com : Quelles sont les causes des affrontements à Jos ?
Marc-Antoine Pérouse de Montclos : Ce n’est pas un conflit religieux. Dans ces affrontements communautaires, la religion est un étendard. Pour le cas de Jos, il s’agit plutôt de disputes pour l’accès à la terre sous une bannière religieuse. Les violences ont en réalité des ressorts économiques. Jos et sa périphérie sont composés de natifs (« indigènes »), dont font partie plusieurs groupes ethniques comme les Birom, les Jarawa et les Anaguta, en majorité chrétiens, et de colons (« settlers » ou « non-indigenes »), constitués principalement de Haoussas musulmans. Il existe des tensions entre les deux groupes. Les musulmans sont perçus par certains natifs comme des immigrés, des citoyens de seconde zone.
Afrik.com : Les « colons » sont-ils victimes de discriminations au Nigeria ?
Marc-Antoine Pérouse de Montclos : La Constitution de 1999 est censée garantir la liberté de circulation et d’établissement des citoyens nigérians à travers tout le pays. Maintenant, au niveau du gouvernement régional, c’est plus compliqué. Dans l’Etat du Plateau, où est située la ville de Jos, il y a un parti pris en faveur des chrétiens et les autorités régionales et territoriales sont souvent accusées de discriminations envers les musulmans, notamment en matière d’emploi, ou d’accès à la santé et à l’éducation.
Afrik.com : Pourquoi la ville de Jos et sa périphérie sont-elles particulièrement touchées par des affrontements intercommunautaires ?
Marc-Antoine Pérouse de Montclos : Au cours de la dernière décennie, Jos, la capitale administrative du Plateau a été frappée par des violences. Cette ville est située dans la « Middle Belt », la ceinture centrale du pays où se rencontre le Sud, majoritairement chrétien, et le Nord, majoritairement musulman. L’Etat du Plateau possède des intérêts économiques importants: une forte production agricole, des mines d’étain et des emplois dans la fonction publique. Tout ceci a poussé de nombreux Nigérians qui vivaient en zone rurale à migrer vers Jos, ce qui a attisé les conflits fonciers.
Afrik.com : Qui sont les personnes qui participent à ces violences ?
Marc-Antoine Pérouse de Montclos : La plupart de ces émeutes sont perpétrées par des jeunes. Les quartiers chrétiens et musulmans de Jos possèdent des milices d’auto-défense. Les habitants cotisent et se mobilisent dans ces milices qui peuvent être financées par des élites locales. De plus des vétérans de l’armée interviennent dans ces groupes armés pour former les jeunes et fournir des armes. Ces milices n’ont pas de lien avec les islamistes.
Afrik.com : Au Nigeria, les islamistes ne sont pas liés à Al-Qaeda ?
Marc-Antoine Pérouse de Montclos : Non. Il n’y a aucune preuve en ce sens. Il s’agit d’un pur fantasme. Les sectes islamistes présentes dans le pays comme les « Taliban » sont endogènes.
Afrik.com : A votre avis, ces affrontements à Jos vont-ils perdurer ?
Marc-Antoine Pérouse de Montclos : L’armée et la police fédérale sont sur place pour tenter de mettre fin aux violences. Je pense que la situation ne va pas dégénérer dans les prochains jours mais que les affrontements vont reprendre à plus ou moins long terme si le gouvernement fédéral continue à laisser le champ libre aux autorités de l’Etat du Plateau, accusées de favoriser les chrétiens.
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