
Une enseignante de français a été mortellement agressée par un de ses élèves muni d’une hache rudimentaire. Un drame qui remet sur la table des débats la question relative à la violence en milieu scolaire au Maroc.
Le Maroc est secoué par un drame glaçant qui illustre la montée inquiétante de la violence en milieu éducatif. Le 28 mars dernier, Hajar E., enseignante de français à l’OFPPT d’Erfoud, a été agressée en pleine rue par un de ses élèves muni d’une hache rudimentaire. L’élève, âgé de 21 ans, n’aurait pas supporté une remarque disciplinaire. La jeune femme a succombé à ses blessures le 13 avril, jour de son anniversaire.
Ce meurtre a provoqué une vive émotion à travers tout le pays, particulièrement dans les milieux éducatifs et syndicaux. La Fédération nationale de l’enseignement (FNE), affiliée à l’Union marocaine du travail, a dénoncé un climat d’insécurité généralisé pour les enseignants, fustigeant l’inaction des autorités face à une situation devenue insoutenable.
Une réalité de plus en plus fréquente
Ce n’est pas un cas isolé. D’après une étude conjointe de l’Unicef et du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS), 69% des violences scolaires se déroulent à l’intérieur même des établissements. Les enseignants, censés incarner l’autorité et la bienveillance éducative, en sont de plus en plus les victimes.
À Fqih Ben Salah, un professeur de mathématiques a récemment été violemment frappé en pleine classe par un élève. Transporté d’urgence à l’hôpital, il a survécu, mais l’incident illustre la dégradation du climat scolaire. Le syndicat affilié à la Confédération démocratique du travail (CDT) a tiré la sonnette d’alarme en dénonçant une « montée inquiétante des violences contre les enseignants » et a exigé des mesures de protection immédiates.
Un cadre juridique à revoir
Au-delà de l’émotion, les syndicats pointent du doigt les défaillances structurelles. La circulaire n°867/14, accusée d’affaiblir l’autorité des enseignants, est particulièrement visée. Selon l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM), ce texte accorde trop de pouvoir aux conseils de classe pour statuer sur les cas disciplinaires, sans offrir de réelle protection aux professeurs.
En réaction au meurtre de Hajar, la FNE a appelé à des veillées de protestation dans tout le pays et à une grève régionale dans la région de Draâ-Tafilalet. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #NousSommesTousHajar a émergé comme un cri de colère et de solidarité. Enseignants et citoyens exigent une réforme urgente du cadre légal, mais aussi plus de moyens pour garantir la sécurité physique et morale des éducateurs.
Parents d’élèves et personnel en conflit
La violence ne vient pas seulement des élèves. En juin 2022, un parent d’élève a escaladé le mur d’une école primaire à Berrechid et agressé un enseignant dans sa classe. Une vidéo de la scène, devenue virale, montrait des élèves en panique, terrorisés par cet acte de violence gratuite. Le ministre de l’Éducation nationale, Chakib Benmoussa, avait alors condamné fermement l’agression et annoncé que son ministère se constituerait partie civile.
L’événement avait relancé le débat sur la nécessité de renforcer la sécurité dans les établissements scolaires et de rappeler que ces lieux doivent rester sacrés. « Les écoles sont des incubateurs de valeurs citoyennes », avait déclaré le ministre, insistant sur l’urgence de restaurer l’autorité du corps enseignant.
Des abus aussi du côté des enseignants
Si les enseignants sont souvent les victimes, ils peuvent aussi être les auteurs. À Béni Mellal, une institutrice d’une école privée a été arrêtée pour avoir violemment frappé un élève à la tête, entraînant une perte de connaissance. L’enfant a été évacué en urgence vers un hôpital universitaire à Casablanca. La police a ouvert une enquête et l’enseignante a été placée en garde à vue.
Ce genre de cas rappelle que la violence en milieu scolaire n’est pas unilatérale. Elle est le symptôme d’un système éducatif sous tension, où élèves, enseignants et parents vivent parfois dans un climat d’agressivité, de frustration et de défiance mutuelle.