Le 5 octobre 1997, la Côte d’Ivoire perdait son premier cardinal, Bernard Obro Yago. Vingt ans après, les catholiques ivoiriens se souviennent…
« La vie est belle », telle était la phrase préférée du cardinal Bernard Yago, premier Ivoirien à accéder au cardinalat. « Il avait un visage gai et bienveillant », se souvient Mireille, paroissienne de la cathédrale Saint-Paul du Plateau. La voix de l’octogénaire vibre d’émotion quand elle parle de Mgr Yago. « À l’époque, je l’ai connu, il était prêtre, le deuxième de la Côte d’Ivoire », explique-t-elle. « Je ne faisais pas partie de ses proches mais, comme tous les Ivoiriens, j’étais fière de son parcours. »
Premier cardinal ivoirien
Né en juillet 1916 à Kpass, un village de la ville de Dabou, Bernard Yago est devenu prêtre le 1er mai 1947. Treize ans plus tard, il devient le premier archevêque autonome d’Abidjan en 1960. En 1983, à l’âge de 78 ans, il est créé cardinal le 2 février par Jean-Paul II.
Nostalgique, Mireille se souvient du cardinal, décédé le 5 octobre 1997, comme d’« un homme qui a mené une lutte acharnée contre les injustices, la corruption, le népotisme qui gangrenait la société ivoirienne. » Selon elle, ces problèmes étaient dénoncés avec véhémence dans ses homélies, surtout à l’occasion de la traditionnelle fête de la paix, au mois de décembre.
« C’était un homme épris de justice et de paix pendant qu’il a vécu avec les Ivoiriens, confirme Sœur Angelina Aka, ancienne supérieure générale de la Congrégation Notre-Dame de la Paix. Dans ses prédications, il exhortait toutes les couches sociales à l’unité et à la paix en Côte d’Ivoire. Il n’avait pas peur de dénoncer les tares de la société pour la survie de l’être humain ».
La Congrégation Notre-Dame de la Paix – la première congrégation autochtone ivoirienne – a été fondée en 1965 par lui. « Il venait en aide aux religieuses afin de bénéficier d’une solide formation vocationnelle et matérielle », raconte avec émotion sœur Angelina. Touchée par « l’humilité et la bonté » de cet homme, elle lui voue un profond respect.
« Loin du confort des princes de ce monde »
Koby Assa, neveu du défunt cardinal garde de lui un souvenir d’une personne qui affectionnait la sobriété. « Il vivait dans l’austérité, loin du confort des princes de ce monde », confie-t-il.
Il avait renoncé à habiter dans l’imposante résidence construite dans l’enceinte de la cathédrale Saint-Paul du Plateau. « C’est dans un salon peu confortable qu’il recevait toutes personnalités, y compris le premier président ivoirien Félix Houphouët-Boigny », ajoute-t-il, amusé.
Mgr Alexis Touabli, évêque d’Agboville, a côtoyé l’homme lorsqu’il était encore séminariste, entre 1981 et 1985, et plus tard, comme curé de paroisse. « Il était détaché des biens matériels de ce monde », renchérit-il. « C’était un homme ascétique qui avait une grande passion pour l’Église catholique et pour les hommes. Et qui a mené aussi de grands combats pour l’émancipation des femmes ».
Par Magloire Madjessou, à Abidjan