Autrefois prudente, la France, à travers le Premier ministre Dominique de Villepin, en visite à N’Djamena, a apporté jeudi un soutien franc au Tchad et à la Centrafrique, confrontés à des rébellions internes. Cette visite était l’occasion pour Idriss Deby d’annoncer son « accord de principe » au déploiement d’une force internationale à la frontière est du Tchad pour « stabiliser la région ».
En visite à N’Djamena, le Premier ministre français Dominique de Villepin a apporté jeudi un « soutien » ferme au régime « légitime » d’Idriss Deby, à la tête de l’Etat depuis 16 ans. « Nous agissons dans le cadre de nos responsabilités, à travers notre politique de coopération, de soutien aux autorités tchadiennes et une politique de dissuasion vis-à-vis de tous ceux qui seraient tentés par une quelconque agression contre son intégrité territoriale », a déclaré l’ancien ministre français des Affaires Etrangères lors d’une conférence de presse conjointe avec le président tchadien.
Ce dernier s’est voulu moins tranché pour donner sa réponse à l’ONU et l’Union africaine, qui proposent le déploiement d’une force internationale aux frontières du Tchad et de la Centrafrique. Les deux organisations souhaitent éviter que les violences aux confins de ces deux pays et du Soudan ne se transforment en un conflit régional. Le chef de l’état a certes accepté « la proposition de disposer des forces aux frontières pour sécuriser les populations et stabiliser la région ». Mais lorsque le Premier ministre français s’est félicité « de l’appel solennel lancé par Idriss Deby », ce dernier s’est empressé de préciser qu’il n’avait donné que son « accord de principe », indique Le Figaro.
Paris n’a plus de scrupules
Poursuivant son discours, Dominique de Vilepin a affirmé que « la France a une responsabilité spécifique vis-à-vis du Tchad (…) C’est dans ce sens que nous avons été amenés à réagir très vigoureusement à Birao (au nord-est de la Centrafrique) ». Lundi, lors de la reprise de l’aérodrome de cette ville aux rebelles centrafricains par l’armée régulière, avec le soutien des Mirage français, Paris a tardé à admettre des tirs de « légitime défense ». Fin mars dernier, lors de l’attaque de la coalition armée du défunt FUC (Front uni pour le Changement démocratique) sur N’djamena, l’aviation française avait déjà tiré sur une colonne rebelle. Elle s’en était défendue du bout des lèvres, avant d’admettre un « tir de semonce ».
Ces précautions ne sont désormais plus de mise. Et Paris, qui n’admettait jusque là qu’un soutien logistique et de renseignement à ses alliés, fait de ses réactions « vigoureuses » un argument de communication. Jeudi, « à la demande des autorités centrafricaines », l’aviation française a de nouveau bombardé les positions de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR, rebelles) dans le nord-est de la Centrafrique. Abdoulaye Miskine, chef d’état major général du mouvement rebelle, a indiqué jeudi à Al Wihda que le bombardement a fait cinq morts dans ses rangs, auxquels s’ajoutent les sept hommes tués lundi. Dans une interview à Afrik, Lin Banoukepa, le représentant du président centrafricain déchu Ange Félix Patassé, dénonçait mercredi l’« ingérence française » dans un conflit « entre Centrafricains ».
S’il est « nécessaire d’appeler nos amis »
Idriss Déby a assuré jeudi que ses forces armées sont « capables de faire face [au] défi » auquel elles sont confrontées. Mais « le jour où nous estimerons nécessaire d’appeler nos amis à nos côtés, nous le ferons », a-t-il précisé. A l’heure actuelle, pour le président tchadien, le plus urgent est de « déplacer dans les mois qui viennent les camps de réfugiés soudanais installés » au Tchad. Ils « ne peuvent pas être sécurisés » et « il est urgent qu’ils soient déplacés si on veut éviter le pire », a-t-il expliqué. Un point sur lequel il trouve le soutien du représentant à N’Djamena du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR).
La France compte 1 200 hommes au Tchad, dans le cadre du dispositif Epervier, déployé depuis 1986, et 300 en Centrafrique, dans le cadre de l’opération Boeli. Dominique de Villepin était à N’Djamena à l’occasion d’une visite de préparation au sommet France-Afrique 2007. Il doit se rendre vendredi en Afrique du Sud, alors que son voyage au Congo Brazzaville, prévu samedi, a été annulé. Le président Denis Sassou Nguesso, opéré le 15 novembre d’une hernie discale lombaire, est toujours en convalescence en France.