VIH et Afrique : pour cesser de stigmatiser les immigrés dans les media


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Au lieu de lutter contre la stigmatisation liée au sida et aux migrants africains, les media britanniques pourraient y avoir contribué en présentant le VIH comme une maladie essentiellement africaine. Un rapport préconise de donner davantage la parole aux migrants africains séropositifs et de cesser de se fonder sur des stéréotypes racistes.

Le rapport intitulé Start the Press: how African communities in the UK can work with the media to confront HIV stigma ( Lancer la machine médiatique : comment les communautés africaines du Royaume-Uni peuvent travailler avec les media afin de lutter contre la stigmatisation liée au VIH), a été rédigé par African HIV Policy Network (AHPN), un groupe de défense des droits des personnes séropositives, et Panos Londres, qui appartient à un réseau à but non lucratif qui encourage les débats sur les questions de développement international.

Entre novembre 2005 et décembre 2006, des chercheurs ont analysé la manière dont la question du VIH était traitée dans cinq quotidiens nationaux et cinq journaux destinés aux communautés africaines, au Royaume-Uni. Ils ont également interrogé des journalistes, des groupes de défense, des immigrants africains porteurs du virus et des leaders communautaires africains, afin de déterminer les moyens de faire collaborer ces groupes dans le but de couvrir le thème du VIH chez les communautés africaines du Royaume-Uni de manière plus responsable.

Une couverture médiatique stigmatisante

Au cours des dernières années, le plus grand nombre d’infections VIH au Royaume-Uni a été enregistré parmi les immigrants africains. Pourtant, au-delà la stigmatisation et de la discrimination auxquelles ce groupe est déjà confronté, peu de mesures encouragent ces personnes à se faire dépister ou à débuter un traitement.

« En tant que femme africaine séropositive, j’ai le sentiment d’être davantage stigmatisée en raison de mon pays d’origine [que de ma maladie] », a confié une des personnes interrogées. Selon les résultats d’une étude menée en 2003 par Sigma Research, seule la moitié des Africains séropositifs vivant au Royaume-Uni ont révélé leur statut sérologique à une personne de leur entourage, et un quart d’entre eux en ont informé leur médecin.

Le rapport Start the Press souligne que la couverture médiatique sensationnaliste et erronée des questions du VIH et de l’immigration peut alimenter la stigmatisation, décourageant en même temps les Africains vivant au Royaume-Uni à subir un test de dépistage ou à vivre ouvertement et positivement du virus.

Des migrants sans voix

L’une des principales conclusions du rapport est le fait que la presse interroge rarement des immigrants africains porteurs du virus. En effet, ces derniers ne sont cités que dans 10 pour cent des articles de journaux nationaux traitant du VIH dans les communautés africaines. Au lieu de leur donner la parole, les journalistes s’en remettent aux porte-parole gouvernementaux, aux médecins et aux activistes.

Selon les chercheurs, la presse a également modifié son point de vue et ne présente plus le VIH comme un « fléau touchant les homosexuels », comme elle le faisait dans les années 1980 et 1990, mais comme un problème africain. Plus de la moitié des articles analysés, et s’adressant à un public national ou ethnique, s’intéressaient au VIH à l’étranger, notamment en Afrique.

En outre, peu d’articles traitaient du VIH en lien avec l’immigration et les articles qui abordaient le sujet se penchaient principalement sur des questions juridiques. Seul un article analysait les facteurs socioculturels sous-jacents, tels que le statut juridique, la pauvreté et le manque d’accès aux services sanitaires, qui rendent les immigrants africains particulièrement vulnérables au virus.

Les tabloïds visés

En règle générale, les journaux nationaux réputés évitent d’utiliser un vocabulaire stigmatisant. En revanche, on a pu lire dans des tabloïds populaires britanniques, tels que The Sun, des gros titres comme « Le VIH, ce monstre qui nous isole dans les couloirs de la mort » et « Enfermez ce monstre VIH », dans le cadre d’une série d’articles sur un ressortissant zimbabwéen qui aurait contaminé six femmes alors qu’il travaillait dans un camp d’été.

« Ces articles stigmatisants ont renforcé les stéréotypes raciaux en établissant un lien entre les immigrants africains, notamment les hommes, et les comportements sexuels dangereux », ont souligné les auteurs du rapport, en rappelant que les articles ne présentaient aucune preuve selon lesquelles l’homme avait subi un test de dépistage ou connaissait son statut sérologique.

En discutant avec des membres de la communauté africaine, les chercheurs ont appris que « les personnes vivant avec le VIH, les activistes et les leaders… tous trouvaient que la presse traitait du VIH et de l’immigration de manière stigmatisante. »

Ainsi, les auteurs du rapport proposent non seulement d’offrir des lignes directrices aux journalistes afin de les aider à rédiger de meilleurs articles sur le VIH et de les encourager à élargir leurs sources, mais ils exhortent également les membres des communautés africaines du Royaume-Uni à aider à sensibiliser davantage le public au problème de la discrimination, en relatant leurs histoires aux journalistes.

Pour ce faire, AHPN participe à l’organisation d’ateliers sur les media et la communication, destinés aux ressortissants africains vivant avec le VIH, à Londres et dans d’autres villes du Royaume-Uni.

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