Victor Démé : « Un griot reste un griot »


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Victor Démé

Enregistré à Ouagadougou, au Burkina Faso, Deli, le dernier album de Victor Démé puise dans la tradition des griots mandingues et fait la part belle aux influences blues, zouk et reggae. Moins abouti que le premier, paru deux ans plus tôt, il n’en reste pas moins une œuvre de bonne facture sur laquelle la voix et les compostions du musicien rayonnent.

Réconfort est le mot qui résume le mieux l’art de Victor Démé, le sentiment que sa musique véhicule et l’effet qu’effectivement elle produit. L’artiste burkinabè, dans son dernier album, chante pour ceux qui souffrent, les malades du sida, les mères en détresse, les amoureux que l’on veut séparer, les malheureux du monde entier. « Je crois que c’est ma contribution pour ces gens », confie-t-il. Et lorsqu’on lui demande de traduire le titre du disque, inspiré par la première chanson qui y figure, Hinè ye deli la, il marque un temps d’hésitation, s’excuse de ne pas bien parler français puis se lance : « Avec le temps, on s’attache, on a de la pitié. »

Pour Victor Démé, cette compassion, la volonté d’aider, de réconforter et d’unir, sont la mission du griot. Un héritage que lui a légué sa grand-mère maternelle et qu’il chante dans Teban Siyala : la racine. « Des mariés ne peuvent pas se séparer devant un griot, un fils et son père ne peuvent pas se séparer. Etre griot, c’est beaucoup de choses », explique-t-il. Cependant, le chanteur mandingue souffre du manque de considération qu’ont ses contemporains pour ceux de sa caste, à tel point que certains d’entre eux ont désormais honte de leurs origines. « Si tu dis maintenant que tu es griot, on te prend pour un mendiant », regrette-t-il. Une évolution liée au dévoiement de la fonction et de ses valeurs. « Il y a des gens aujourd’hui dans la galère qui se font griots. Mais être un vrai griot, ce n’est pas quémander pour faire les louanges des gens », dénonce-t-il.

Précipitation

Les difficultés pécuniaires, Victor Démé en a pourtant connues. Mais il ne leur a jamais sacrifié son art ni ses principes. En dépit des aléas de la vie, il a su garder intact son goût pour la musique, son talent créatif. Et sur ce second album, l’inspiration, l’énergie et le plaisir de jouer sont les mêmes que sur le précédent. Il est, hélas, moins abouti. Un violon et un accordéon font leur apparition, ça et là, sans vraiment trouver leur place. Le saxophone de Femi Kuti, sur Wolo baya guéléma, est plus en harmonie avec le groupe mais ne convainc pas totalement. Le mixage laisse à désirer, et les arrangements auraient pu être peaufinés. Des lacunes que Victor Démé ne cherche pas à nier. « Franchement, on n’a pas eu le temps de maquiller l’album comme on voulait, on n’est pas content, mais on l’a balancé comme ça », concède-t-il. La production ne lui a pas permis de mettre le soin qu’il souhaitait dans le parachèvement du disque. Fort heureusement, en concert, la formation du chanteur burkinabè, qui tourne en France depuis le mois d’avril dernier, livre une prestation dont la qualité fait vite oublier les défauts de l’enregistrement.

A 49 ans, Victor Démé signe son deuxième album, sorti en mai dernier, deux ans seulement après le premier qui, en dépit d’un budget minuscule, avait trouvé un large succès auprès du public. Une consécration tardive que le musicien accueille avec philosophie. « Rien n’est trop tard. Il faut se préparer à tout. Quand on pense qu’il est trop tard, on risque de croiser les bras et de tout perdre », estime-t-il. Le musicien de Bobo Dioulasso a su être patient. Souhaitons qu’à l’avenir sa production lui donne le temps de bien faire, ce luxe inestimable.

Commander l’album : Victor Démé, Deli, Chapa Blues, Naïve, 2010.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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