Victoire de l’opposition aux Législatives : la Guinée-Bissau donne une leçon de démocratie


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Le Président de la Guinée-Bissau,Umaro Sissoco Embalo
Umaro Sissoco Embalo, Président de la Guinée-Bissau

La Guinée-Bissau est un pays connu pour son histoire politique particulièrement mouvementée depuis son accession à l’indépendance, en 1974. Minée par une série de coups d’État, la Guinée-Bissau était tout sauf un modèle de démocratie. Jusqu’aux élections législatives du dimanche 4 juin 2023 où les dirigeants ont laissé les urnes parler. Les résultats du scrutin, quoique largement défavorables au parti du Président Umaro Sissoco Embaló au profit de l’opposition, ont été proclamés comme tels. Une chose qui n’est pas courante sous les cieux africains. Donc, il s’agit-là d’une belle leçon de démocratie.

En Afrique, un parti au pouvoir ne perd jamais les élections. Sauf dans de très rares cas qui constituent de véritables exceptions, les élections sont toujours remportées par les partis au pouvoir. Les Législatives pour s’assurer un contrôle du Parlement et gouverner sans difficulté, comme les Présidentielles pour toujours se maintenir au pouvoir. Et tous les moyens sont bons pour atteindre l’objectif : prise de contrôle total sur toutes les structures intervenant dans le processus électoral à savoir la Commission électorale, la Cour constitutionnelle, le Conseil constitutionnel ou encore la Cour suprême, selon les cas. Dans ces conditions, les résultats des élections sont toujours en faveur du plus fort, c’est-à-dire le parti au pouvoir.

Des contestations sans lendemain

L’opposition n’a que les voies de recours pour contester, généralement sans obtenir gain de cause. Au Togo par exemple, l’opposition a toujours contesté les résultats des élections sans jamais obtenir satisfaction comme au Gabon ou encore au Cameroun, au Congo-Brazzaville. Récemment, on a vu au Sénégal, la coalition au pouvoir s’adonner à de la gymnastique politique pour arracher la majorité au Parlement. Dans des conditions nébuleuses, s’il vous plaît ! Les exemples sont légion et on pourrait en multiplier à l’envi. Par contre, les bons exemples comme ceux du Malawi où le Président Peter Mutharika a été battu par l’opposant Lazarus Chakwera ou de la Zambie où Hakainde Hichilema a bouté dehors Edgar Lungu, et dans une certaine mesure le Kenya où le candidat soutenu par le Président Uhuru Kenyatta et son parti, Raila Odinga, a été battu par son challenger, le Vice-président William Ruto, sont eux autres rares. C’est dans cette dernière catégorie que vient de s’inscrire la Guinée-Bissau de Umaro Sissoco Embaló.

Des résultats librement proclamés par la Commission électorale

En Guinée-Bissau, les résultats des élections législatives ont été largement favorables à l’opposition qui a raflé 54 sièges sur les 109, laissant au parti au pouvoir, le Madem G15, la portion congrue soit 29 députés. La Commission nationale électorale a eu la liberté de livrer les résultats sortis des urnes, apparemment sans interférences de l’exécutif. Le suffrage du peuple s’est donc exprimé clairement. Même si c’est pour désavouer le Président. Et ce dernier a sportivement pris les résultats : « Un jour on perd, un jour on gagne, c’est le jeu de la démocratie », a déclaré Umaro Sissoco Embaló.

En posant ce pas, le Président bissau-guinéen donne un signal fort à ses pairs africains. On se souvient que pendant que le débat sur le troisième mandat battait son plein en Côte d’Ivoire et en Guinée voisine en 2020, Umaro Sissoco Embaló n’avait point fait mystère de son opposition aux manœuvres de ses homologues pour se maintenir au pouvoir. Au cours d’un sommet de la CEDEAO où le coup d’État au Mali était à l’ordre du jour, le Président bissau-guinéen n’avait pas hésité à déclarer devant tous ses homologues : « Si l’on doit condamner les militaires à l’origine du putsch, la conférence devrait aussi condamner les pairs qui souhaitent faire un 3e mandat ». Car, selon lui, les troisièmes mandats sont à assimiler à des coups d’État puisqu’ils violent non seulement la Constitution des pays concernés ainsi que la charte sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO.

Moins de trois ans après avoir tenu ces propos, Umaro Sissoco Embaló pose un acte fort en laissant la Commission électorale de son pays proclamer librement les résultats des Législatives. L’heure de la vraie démocratie semble peut-être sonner pour le pays d’Amilcar Cabral. Dans tous les cas, Umaro Sissoco Embaló mérite d’être suivi de près.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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