La première journée des Rencontres de Versailles, commencées le jeudi 14 juin 2001 et qui se poursuivront jusqu’au samedi 16 juin, a été consacrée aux évolutions de la culture et de l’éducation à l’ère de la mondialisation.
La deuxième édition de ces Rencontres, le » Davos de la culture « , a débuté aujourd’hui jeudi 14 juin dans le cadre de l’opéra royal du château de Versailles. Trois tables-rondes se sont succédées, pour débattre des effets de la mondialisation sur les cultures et sur l’enseignement. Intellectuels, professeurs, artistes et politiques sont venus y croiser leurs différents regards.
Regards venus du monde entier : d’Afrique d’abord, avec Viviane Wade, Abdelaziz Meziane Belfikh, Conseiller du Roi du Maroc pour l’éducation, Rachid Ben Mokhtar, Président de l’Université d’Ifrane, Mongi Bousnina, Directeur général d’Alecso, ou Abasse Ndione, écrivain sénégalais, Olivier Zegna Rata, directeur du développement d’Afrik.com…D’Asie également, avec Hisanori Isomura, Président de la Maison de la Culture du Japon en France, ancien Directeur de la NHK, mais aussi avec Rimpoché Dagpo, Représentant le Dalaï Lama. Enfin d’Europe et d’Amérique du Nord, avec notamment Jonathan Spalter, Directeur général de Vivendi Net, ou Douglas Edric Stanley, Professeur en nouvelles technologies d’Arts numériques, ou encore Angelo Oswaldo de Araujo Santos, Ministre de la Culture du Brésil.
Expériences croisées
Leurs expériences diverses apportèrent autant de visions sur les enjeux de l’éducation dans la Société de l’Information. Visions généreuses, par exemple, de certaines universités américaines (le MIT en particulier) offrant gratuitement les cours de leurs enseignants sur le Net, ou permettant, moyennant paiement, d’obtenir leur diplôme en ligne à des étudiants du Tiers-Monde incapables de s’offrir, en revanche, une ou deux années de formation aux Etats-Unis…
Générosité tempérée par la préoccupation de ceux qui voient dans l’hégémonie de la formation des universités américaines de leurs cadres dirigeants (en particulier économie) un vrai risque de perte de souveraineté intellectuelle, comme l’exprimèrent en particulier Hisanori Isomura et Edmond Alphandéry, ancien Ministre de l’Economie et des Finances du gouvernement français, qui appelait l’Europe à offrir une vraie alternative de formation aux grands campus d’Outre-Atlantique. Autre défi souligné par l’un des intervenants, Bernard Normier, vice-président de Lexiquest : le défi des langues, quand aujourd’hui sur les 3000 langues écrites dans le monde, seules quelques dizaines sont reprises sur Internet et numérisées…
Les atouts du numérique
Mais les atouts des nouvelles technologies furent aussi évoqués, à travers quelques initiatives prometteuses, notamment celles que cita le Recteur Ben Mokhtar, évoquant des systèmes de télé-enseignement pour la formation professionnelle continue des enseignants du primaire et du secondaire, réunis un jour par semaine dans une ville voisine de leur lieu d’affectation pour participer à des séances de télé-formation interactives.
Enfin les problèmes des identités culturelles sous l’angle religieux et ethnique, comme sources de violence et d’incompréhension, de fanatisme et d’exclusion, fut également abordé par Mongi Bousnina, Directeur général d’Alesco, Monseigneur Michel Dubost, évêque d’Evry, ou El Khalil Chalabi, Présidente libanaise de l’Association pour la Sauvegarde de Tyr… Le dialogue des cultures passe non par leur repliement sur elles-mêmes, quelques soient leur richesse et leur fécondité, mais par leur ouverture réciproque…
La définition de soi
En conclusion, comment ne pas évoquer les fortes paroles de Jean Lacroix, philosophe existentialiste chrétien qui fut également concerné, sa vie durant, par la problématique de l’enseignement et du magistère : » Une conscience cultivée, c’est une conscience qui se situe « . L’éducation et la formation sont les deux mamelles de cette » situation » de la conscience, qui permet de construire un référentiel à l’intérieur duquel une existence individuelle s’organise.
» Situation » de la conscience, définition de soi par ses différentes appartenances et les sources dans lesquelles on se reconnaît. Le défi des nouvelles technologies est de ne pas trop éparpiller ces références, de ne pas trop » déplacer les lignes « , comme aurait dit Baudelaire, et de permettre à toutes les cultures de trouver de nouveaux outils pour se perpétuer et se renforcer, pour continuer à être productrices de sens, de conscience -et d’oeuvres neuves.