L’Afrique s’est rendue compte que, selon les statistiques de 2016, les rendements de ses terres arables représentaient moins de 50% des rendements indiens. Cette situation a alarmé toutes les instances continentales puisque notre continent souffre encore de sous-alimentation élevée qui s’ajoute à l’accroissement démographique.
La problématique du rendement agricole en Afrique n’est pas principalement due à une pénurie d’eau ou à la surface réduite des terres cultivables, surtout dans les zones équatoriales, mais plutôt liée à la fertilité insuffisante des sols et à l’indisponibilité des fertilisants. Les vrais besoins de l’Afrique en engrais NPK en 2016 étaient estimés à 8 millions de tonnes (4,8 millions de tonnes en Azote, 1,4 million de tonnes en Phosphore et 1,8 million de tonnes en Potassium).
La Chine qui est le premier producteur d’engrais au monde, a choisi de diminuer ses exportations en engrais afin de satisfaire son marché local. De plus, la récente crise russo-ukrainienne a poussé la Banque Mondiale à alerter sur la difficulté d’approvisionnement en intrants agricoles au cours des prochains mois. La sécurité alimentaire mondiale était mise en danger. Cependant, afin de faire face à la demande mondiale croissante, le Maroc a décidé d’augmenter sa production en Phosphates de 10 % sachant que la capacité de production marocaine pourrait même augmenter de plus de 50 % dans les quatre prochaines années. Le Maroc, sincèrement soucieux de la sécurité alimentaire de ses voisins africains, a décidé aussi de consacrer 20 % de sa production d’engrais (550000 tonnes) au profit des pays africains sous forme de dons ou de ventes à prix réduit.
Le groupe OCP (anciennement Office chérifien des phosphates) considère que la sécurité alimentaire mondiale est de sa responsabilité puisque le Maroc possède environ 70 % des réserves mondiales de phosphate brut. Ce groupe marocain a même créé sous son égide une nouvelle société dénommée « OCP Nutricrops » dans le cadre du décret n°2.22.407 afin de mettre en œuvre la stratégie de croissance de cette entreprise marocaine dans le domaine des solutions innovantes de fertilisation par les intrants et engrais agricoles NPK, notamment l’acide phosphorique, le phosphate mono-ammoniacal et d’autres produits chimiques. Le gouvernement marocain a aussi autorisé au groupe OCP de contribuer au capital de la société « Pan African Fertilizer Company » à parts égales avec le gouvernement éthiopien dans le cadre de la collaboration africaine. C’est un investissement de 3,7 milliards de dollars qui permettra la commercialisation permanente de près de 600.000 tonnes d’acide phosphorique grâce à une usine construite en Éthiopie qui pourra même assurer la demande croissante en engrais de ce pays de la corne de l’Afrique.
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Le Nigeria pourra aussi profiter du savoir-faire marocain en technologies de fertilisation puisque le groupe OCP compte consacrer 1,3 milliards de dollars pour l’installation d’une usine d’ammoniac qui commencera la production en 2023. Cette usine produira annuellement 750 000 tonnes d’ammoniac. Dans le cadre de cette coopération, le Maroc fournira aussi au Nigeria l’acide phosphorique nécessaire pour produire annuellement 1 million de tonnes d’engrais dans cette prochaine usine du golfe de Guinée.
Le Maroc a aussi décidé d’investir dans le minerai de potasse dont le prix a augmenté en flèche après le début de la guerre en Ukraine. La compagnie britannique Emmerson consacrera environ 500 millions de dollars pour construire la première usine africaine de potasse dans une mine à Khemisset pas loin de Rabat. La chlorure de potassium est un minerai primordial dans l’industrie des engrais et la mine marocaine abrite plus de 500 millions de tonnes de potasse.
Ainsi, le Maroc est un grand acteur à l’échelle mondiale dans le domaine de la fertilisation des sols. Le Royaume chérifien compte alors être digne de cette responsabilité évidente en sécurité alimentaire mondiale par le développement continu du groupe OCP qui est devenu aujourd’hui capable d’investir ses capitaux humain et matériel au service de tous les pays qui en ont besoin, notamment le Brésil, l’Inde et tous les pays africains.
Est-ce que le Maroc tirera aussi profit de sa position géographique stratégique à la croisée de l’Europe et de l’Afrique et aux bords de l’Atlantique pour abriter une “Banque Mondiale d’intrants agricoles” qui assurera la sécurité alimentaire mondiale ? Après tout, les crises récentes ont prouvé que cette nouvelle instance mondiale est aujourd’hui une nécessité et le Maroc a toujours démontré qu’il peut assumer cette responsabilité.
Par Akram Louiz: Auteur, poète et Lieutenant de première classe de la marine marchande.