Plus de 7 millions d’euros. 950 soldats issus de 12 pays d’Afrique. Telle est l’ampleur de l’opération Recamp qui se déroule actuellement en Tanzanie, du 11 au 22 février. Objectif : mettre en place une force d’interposition inter-africaine. Sous l’égide de la France, 16 pays d’Europe collaborent pour former les armes du continent à une nouvelle figure de la guerre moderne : le maintien de la paix.
De notre envoyée spéciale à Dar Es-Salam
Le troisième volet du projet Recamp (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) se déploie actuellement en Tanzanie, du 11 au 22 février. Commencée en 1996 au Sénégal, poursuivie l’an dernier au Gabon, l’opération a pour but de former les armées africaines au « maintien de la paix ». Une notion nouvelle pour les soldats de l’Est et du Sud de l’Afrique.
Sous l’égide de la France, et avec la collaboration de 16 pays européens, le stage de formation mis en place en Tanzanie se concentre sur un problème bien connu du pays hôte : la gestion des réfugiés. « Nous devons faire face à une nouvelle forme de guerre, beaucoup plus sophistiquée. La maîtrise de la paix est un nouveau concept . Les militaires doivent aujourd’hui apprendre à faire autre chose que la guerre », se réjouissait jeudi le Général Kristopher Gimonge, co-directeur du projet côté tanzanien.
Jeu de rôles
Concrètement, l’exercice imaginé par la France en partenariat avec les pays impliqués prend la forme d’un jeu de rôle grandeur nature. Des simulations mettent en scène l’arrivée de réfugiés venus de pays aux noms volontairement imaginaires. Le scénario : « Blueland » accueille les populations fuyant les conflits de « Greyland ». Les forces armées en présence doivent prendre soin d’eux, gérer leur afflux, dialoguer. Mais méfiance : des rebelles de « Mauveland » peuvent se cacher parmi les civils. Il leur faut donc rester vigilants, sans pour autant user de la force.
Dans les faits, l’opération ressemble plus à une répétition théâtrale qu’à un exercice militaire. Des soldats tanzaniens ou kenyans sont recrutés pour jouer le rôle des réfugiés ou des rebelles, et s’en donnent à coeur joie. « On apprend beaucoup de choses. Le maintien de la paix et toute la part de négociations que cela implique est très nouveau et très intéressant. Mais c’est vrai qu’en même temps, c’est amusant comme exercice », confie, souriant, le capitaine tanzanien Lidwino Simon Mgumba, qui dirige les compagnies Recamp dans la région de Tanga.
Derrière l’amusement que peuvent avoir ces hommes à surjouer les féroces rebelles ou les malheureux réfugiés, on perçoit l’intérêt pour une technique adaptée aux situations que connaît notamment la Tanzanie. « Au fond, Blueland, c’est notre pays, et Greyland et Mauveland, nos voisins. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons du mal à demeurer neutres, même dans l’exercice, comme l’exige notre rôle de force d interposition », poursuit le capitaine Lidwino Simon Mgumba. Après plusieurs années, l’opération en est encore à ses balbutiements. Si le « maintien de la paix » séduit le petit millier de soldats africains présents en Tanzanie, chacun sait que le chemin est long avant la mise en place d’une réelle force d’interposition.