Le président français a présenté, mardi à Paris, son projet de politique de défense et de sécurité. Au chapitre de la sécurité extérieure, les accords bilatéraux entre la France et les pays africains vont être rénovés, afin de laisser un champ d’action plus libre à l’Afrique. Pour Nicolas Sarkozy, ce changement ne doit pas être perçu comme un abandon. Cinquante ans après les indépendances africaines, la France est-elle vraiment prête à tourner la page ?
Renforcement et désengagement. C’est le paradoxe de la nouvelle doctrine française en matière de Défense. Le Livre Blanc, nouveau projet de loi pour la sécurité intérieure et extérieure, a été présenté mardi, Porte de Versailles, par le président de la République française Nicolas Sarkozy. Devant un parterre de 3 000 militaires et représentants des forces de l’ordre, il a exposé ses objectifs, notamment sur la question des relations France-Afrique. « Nous allons rénover nos accords en Afrique, et rééquilibrer nos bases militaires. Ceci ne veut pas dire que nous abandonnons l’Afrique à elle-même. C’est tout le contraire », a déclaré le chef de l’Etat français.
Le but de ce changement est d’aller vers un partenariat entre l’Europe et l’Afrique, et non plus, comme l’explicite Brice Nzamba, juriste et président de l’association LUCIDE[[ LUCIDE : Association de Lutte pour la Citoyenneté et la Démocratie]], « une forme de tutelle de la France qui assiste simplement les régimes africains ».
Nicolas Sarkozy l’a dit, il veut « favoriser la montée en puissance des capacités africaines de maintien de la paix ». Pour cela, un remaniement complet de la politique de sécurité française en Afrique semble indispensable. Cette rupture passera par un désengagement, c’est-à-dire une diminution des troupes françaises présentes sur le sol africain. Actuellement, selon des chiffres du Ministère français de la Défense, environ 9 000 soldats sont présents en Afrique, ce qui représente le tiers des forces déployées hors métropole. Un certain nombre de bases vont donc être fermées et les effectifs revus à la baisse. « La France veut donner la prépondérance aux pays africains sur la question de la défense et de la sécurité du territoire. Mais il manque à ces pays une volonté politique d’ensemble. Il est nécessaire que l’UA (Union Africaine) agisse dans ce domaine », explique Jean-Vincent Brisset, Directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).
La « Françafrique » autrement
La France opère donc un changement dans sa stratégie militaire en Afrique. Il faut dire que sa présence (justifiant les interventions armées) s’y appuie sur un fondement juridique hérité des accords de défense signés entre Paris et ses ex-colonies dans les années soixante. D’après Brice Nzamba, « A l’époque, la France tentait surtout de préserver son pré-carré. Depuis, la situation géopolitique a profondément évolué et la loi est restée en l’état ».Selon lui, il s’agit aujourd’hui de renégocier certaines clauses, comme celles qui favorisent l’interventionnisme français lorsqu’un chef d’Etat africain se sent menacé (à tort ou à raison). « Avec l’association LUCIDE, nous tenterons de faire pression pour faciliter et accompagner cet engagement de la France à se désengager sur des bases saines, en respectant la pleine souveraineté des Etats », ajoute-t-il.
Selon le chef de l’Etat français, l’Afrique est une clé du développement et de la sécurité internationale dans les années à venir. « L’objectif, pour la France, est-il de conserver une position particulière dans ses ex-colonies ou de considérer l’Afrique comme un continent à l’égal des autres ? » s’interroge Jean-Vincent Brisset. Indéniablement, certains accords franco-africains dissimulent mal un ex-colonialisme en filigrane. De nouveaux moyens de présence sont donc à envisager et pour Brice Nzamba, « la France pourrait se contenter d’apporter un soutien logistique et matériel ».
Le Livre Blanc veut donc moderniser la politique française de sécurité et de défense en Afrique, en réponse aux nombreuses critiques qui ont accueilli, ces dernières années, les différentes interventions de Paris dans les conflits africains. Assimilée à de l’ingérence, l’attitude française est très controversée. Qu’il s’agisse du récent soutien apporté au chef d’Etat tchadien Idriss Déby Itno en difficulté face à des rebelles au mois de février, ou de l’intervention en Côte d’Ivoire en septembre 2002, où la France s’était interposée entre les rebelles et l’armée gouvernementale, ou encore de la présence stratégique à Djibouti, la plus grosse base militaire de la France à l’étranger avec 2 900 soldats permanents…
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