Les questions de financement ont été au cœur du 6ème Forum mondial du développement durable, qui s’est déroulé du 27 au 30 octobre, à Brazzaville, la capitale du Congo. Au cours de cet événement, le président congolais, Denis Sassou N’Guesso, a proposé la création un fond africain pour le développement durable. Une proposition qui a obtenu le soutien de plusieurs chefs d’Etat.
Notre envoyé spécial à Brazzaville
« Je propose la création, par nous-mêmes, d’un fond africain pour le développement durable », a annoncé l’hôte du 6ème Forum mondial du développement durable, le président congolais Denis Sassou N’Guesso, le 29 octobre dernier. Une proposition à laquelle les huit autres chefs d’Etat présents[[Omar Bongo (Gabon), Yayi Boni (Bénin), Pierre Nkurunziza (Burundi), Blaise Campaoré (Burkina Faso), François Bozizé (Centrafrique), Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire), Fradique de Menezes (Sao Tomé), Faure Gnassingbé (Togo)]] ont donné leur accord de principe et qui pourrait en convaincre d’autres dans les mois à venir. Cette initiative intervient alors que les promesses de fonds faites par la communauté internationale, lors des sommets de Johannesburg, en 2002, puis de Brazzaville, en 2006, n’ont pas été tenues. « Force nous a été donnée de constater que la distance était grande de la coupe aux lèvres ; que, pire ! la coupe demeurait presque vide… Seuls le Royaume uni et la Norvège ont décaissé l’équivalent de 108 millions de livres sterling au fond créé », a rappelé le président congolais.
Pourtant, les projets tentant de concilier développement et préservation de l’environnement foisonnent. Parmi les quelque 500 participants du Forum de Brazzaville, cette semaine, se trouvaient de nombreux experts et responsables d’ONG. Ils étaient, pour beaucoup, engagés dans la lutte pour la préservation et la mise en valeur de la forêt du bassin du Congo. Certains mènent une action au delà de cet espace forestier, tel Alex Momha, directeur de la communication de la Commission du bassin du lac Tchad, une organisation intergouvernementale qui œuvre contre la disparition programmée de la grande étendue d’eau, vitale pour des millions de personnes. A la recherche de financements pour sa structure, Alex Momha se félicite que les chefs d’Etats présents aient souligné l’importance de la protection du lac Tchad. « Quand notre position est prise en compte par de nombreux chefs d’Etat[[Dans la déclaration de Brazzaville sur le développement durable – adoptée à l’issue du forum]] dans un sommet comme celui-ci, nous obtenons un instrument de plaidoirie », nous a-t-il confié, espérant que les bailleurs de fonds, présents dans les prochains sommets et conférences, seront dès lors plus sensibles à ses arguments.
Le sujet épineux du financement
Mais le développement de la crise financière fait craindre aux Etats africains et à de nombreuses organisations engagées dans le développement durable, que l’enveloppe consacrée à leur action, déjà bien maigre, se réduise comme peau de chagrin. D’où l’urgence de la création d’un fond africain, afin que le continent ait les moyens de faire face, par lui-même, aux problèmes d’environnement auxquels il est confronté. Cette proposition va dans le sens des recommandations de la Prix Nobel de la paix et ambassadrice itinérante de la forêt du Congo, Wangari Maathai, qui a appelé les pays africains, tout au long du forum mondial de Brazzaville, à s’unir pour surmonter les défis qui s’imposent à eux. Concrètement, le fond devrait être alimenté par les Etats membres et organisé par la Banque africaine de développement (BAD). « Ce fond devrait englober celui prévu par l’Union africaine concernant la facilité africaine de l’environnement, a déclaré Denis Sassou N’Guesso. J’invite la Banque africaine de développement à en constituer les règles et les mécanismes de fonctionnement », a-t-il précisé.
Les mécanismes de financement du développement durable ont été le sujet le plus discuté au sein des ateliers de réflexion et des réunions d’experts tenus lors du forum de Brazzaville. Selon Jean-Marc Sinassamy, représentant du Fond pour l’environnement mondial (FEM), la question de l’argent disponible pour le financement de projets ne se pose pas. Les blocages viendraient plutôt la complexité des procédures et des méconnaissances des institutions et organisations qui en ont besoin. « Il y a une multiplication de nouveaux fonds, (…) ce n’est pas un fond de plus qui va résoudre les problèmes. Il faut créer une véritable synergie entre tous les fonds et développer une politique de partenariat », a affirmé M. Sinassamy. Un point de vue largement minoritaire dans l’assemblée, mais révélatrice d’une certaine incompréhension entre les bailleurs et leurs potentiels récipiendaires.
Henri Djombo, ministre de l’Economie forestière de la République du Congo et cheville ouvrière de l’organisation du forum à Brazzaville, a exprimé sa déception face à l’absence de financements octroyés par les fonds internationaux. « Nous aurions espéré des annonces de contributions nouvelles pour aider le développement durable. Mais au niveau où les institutions [de financement, ndlr] étaient représentées ici, c’était peu probable », a-t-il confié. Cependant, il s’est réjoui de la mobilisation des présidents africains sur la question du financement. « L’engagement des chefs d’Etat témoigne de leur volonté d’aller de l’avant », a-t-il déclaré. Mais la création d’un fond africain pour le développement durable, pour généreuse et louable qu’elle soit, nécessitera un suivi et une volonté politique sans faille pour qu’elle ne finisse pas, comme nombre d’autres initiatives, au cimetière des bonnes intentions.
Lire aussi:
Wangari Maathai appelle les Etats africains à s’unir pour protéger leurs forêts
L’Afrique au cœur des enjeux du développement durable