Le Congo posera début octobre, à Imboulou, la première pierre de ce qui sera le plus grand barrage du pays. Des travaux doivent durer cinq ans pour un coût total de 280 millions de dollars. L’installation hydroélectrique permettra de doubler la production actuelle du pays. Interview de Léon Ivovi, coordinateur général du projet.
Le plus grand barrage du Congo Brazzaville. La ville d’Imboulou (nord de Brazzaville) aura le privilège d’héberger le plus grand barrage hydroélectrique du pays. Un projet réalisé grâce à un partenariat entre le gouvernement congolais et un consortium de deux entreprises : la China National Machiney et l’Equipment Import and export Corporation. Les travaux doivent commencer début octobre et durer 5 ans. Le coût prévu des opérations : 280 millions de dollars. D’une capacité de 120 méga watts, l’ouvrage permettra de doubler le potentiel énergétique du pays, dont 75% des besoins ne sont aujourd’hui pas assurés. Léon Ivovi, coordinateur général du projet, explique quels changements sont à attendre.
Afrik : Quelle est la situation électrique du Congo ?
Léon Ivovi : La situation énergétique est extrêmement précaire. Nous ne disposons que de trois centrales (deux hydrauliques et une thermique, ndlr). Celle de Djoué (sud) a été construite en 1951 et celle Moukoukoulou (dans le sud), a été fabriquée en 1978. Les deux vont prochainement être réhabilitées et rénovées. La plus récente, la centrale électrique à gaz de Djeno, a vu le jour en 2002. Le Congo est desservi de Brazzaville à Pointe Noire. Au centre et au nord, il n’y a rien. Même pas une ligne haute tension. Depuis un an, les délestages sont permanents.
Afrik : Des plans sont-ils prévus pour remédier à la vétusté du système électrique ?
Léon Ivovi :A Brazzaville, les équipements sont vieux de 15 ans et ils ont été endommagés à cause du conflit. Les travaux de réparation sont estimés à 5 milliards de FCFA. En ce qui concerne Pointe Noire, le coût de la rénovation serait de 3,5 milliards de FCFA. Dans les deux cas, les dossiers de financements sont prêts et nous avons déjà trouvé les partenaires. Reste à trouver les fonds. La centrale hydroélectrique de Moukoukoulou sera en travaux à partir du 15 octobre. Des pourparlers sont actuellement en cours avec Alstom pour la rénovation de l’installation de Djoué. Si tout se passe bien, les opérations devraient débuter en 2004.
Afrik : Pourquoi avoir attendu 20 ans pour construire le barrage hydroélectrique d’Imboulou ?
Léon Ivovi : La construction du barrage était prévue depuis 1984. Mais la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international nous ont conseillé d’attendre et de nous relier à la centrale d’Inga (République Démocratique du Congo, ndlr). Seulement aujourd’hui, cette installation provoque des irrégularités dans la distribution de courant par manque de moyens pour sa réhabilitation.
Afrik : Le projet était initialement estimé à 236 millions de dollars. Le coût des opérations est maintenant estimé à 280 millions. Comment l’expliquez vous ?
Léon Ivovi : Lors de la première présentation, nous n’avions pas fait d’études détaillées ou de devis précis. Aujourd’hui, les différentes étapes ont été évaluées avec précision. L’autre facteur qui a fait grimper le coût est le fait qu’au départ, nous étions partis avec l’idée de produire 100 méga watts. A l’heure actuelle, nous prévoyons d’en produire 20 de plus. Enfin, lors de longues négociations, nous avons pu faire passer le délai de grâce de trois à cinq ans (durée à partir de laquelle, il faudra commencer à rembourser le prêt, ndlr), obtenir l’allongement de la durée de remboursement de 12 à 15 ans. Mais le taux d’intérêt est passé de 0,10 % à 0,20%. Toutes ces raisons expliquent l’écart entre les estimations de base et l’ardoise finale.
Afrik : Quels avantages apporteront la construction du barrage d’Imboulou pour le pays ?
Léon Ivovi : Le nord du Congo est alimenté par un parc de générateurs électriques. Les coûts de production de l’électricité sont énormes. Pour produire un kilo watt avec un générateur de 500 kilos volts ampères (KVA, ndlr), il faut 100 litres de gasoil à 300 FCFA. C’est un système qui peut desservir 1 000 à 2 000 personnes dans un village. Mais imaginez les sommes dépensées pour une couverture de 24 heures. Le barrage leur donnera accès à une électricité meilleur marché. D’autre part, cette installation permettra l’exploitation de l’or et du bois dont regorge le nord. Ces ressources ne peuvent actuellement pas être traitées car il n’existe pas d’industries dans la région. L’arrivée de l’électricité devrait engendrer la création d’activités. La construction du barrage devrait à elle seule générer 2 000 emplois.
Afrik : Cette installation hydroélectrique va-t-elle permettre au Congo d’être autosuffisant ?
Léon Ivovi : Nos importations de courant en provenance de la République Démocratique du Congo nous coûtent actuellement 400 millions de FCFA par mois. Avec le barrage, notre réseau électrique sera connecté à celui de nos voisins. Nous aurons la possibilité de leur fournir de l’électricité en cas de problème au niveau de leurs centrales. Et vice-versa. Le barrage donnera donc naissance à une relation d’interdépendance. A plus long terme, nous pensons aussi passer du statut d’importateur à celui d’exportateur. Nous envisageons notamment vendre de l’électricité au Gabon et à la Centrafrique.
Afrik : Y a-t-il d’autres projets de construction de centrales hydroélectriques ?
Léon Ivovi : Des centrales hydroélectriques sont prévues à Mourala (au sud-est) et à Liousso (dans le nord).
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