Au Bénin, la nouvelle fait le tour des médias et des réseaux sociaux, depuis quelques semaines. Après la vente aux enchères de meubles de luxe, d’appareils électroménagers et d’une voiture de luxe de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon, en août dernier, c’est sur ses biens immobiliers que la justice a jeté son dévolu. En effet, le 14 mars 2023, 18 immeubles appartenant à l’homme d’affaires en exil seront vendus aux enchères. C’en est trop pour l’ancien Président béninois, Nicéphore Soglo. Il est sorti de son mutisme, ce jeudi. L’octogénaire s’est exprimé dans une lettre ouverte adressée, en même temps, à Patrice Talon et Boni Yayi.
« Excellences Messieurs les Présidents Patrice Talon et Boni Yayi, je passe par ce canal pour vous interpeller publiquement par rapport aux cycles de persécutions dont fait l’objet notre compatriote et homme d’affaires, Sébastien Ajavon, depuis plusieurs années », commence-t-il. Avant de poursuivre : « Le déferlement d’actes de provocation, d’humiliation et de sabotage à l’encontre de Monsieur Sébastien Ajavon suscite de grandes interrogations auprès de nous. Peut-être qu’il existe une raison que le grand public ignore et qui justifie que tous les biens de l’homme d’affaires soient saisis ou détruits jusqu’à ses objets personnels et intimes vendus aux enchères comme s’il était déjà banni de la République. Même les pires criminels ont leur place dans la République après avoir purgé la juste peine à l’issue d’un procès équitable », soutient l’ancien Président.
Un sujet de préoccupation nationale
En posant le problème en ces termes, l’ancien Président Nicéphore Soglo se fait directement le porte-parole des milliers de Béninois. En effet, si le commun des Béninois sait que Sébastien Ajavon a des démêlés avec la justice et est condamné par deux fois dans l’affaire de 18 kg de cocaïne et dans une autre affaire de fraude fiscale, la manière dont la justice saisit et vend ses biens ne laisse personne indifférent. Les Béninois ne sont pas habitués à de telles pratiques.
Et avant Nicéphore Soglo, l’artiste musicien Belmonde Z en avait déjà appelé à la clémence du président de la République, Patrice Talon. « Papa Sébastien Germain Ajavon. Je suis impuissant face à cette situation, que Dieu et les mânes de nos ancêtres vous donnent le courage qu’il faut, la santé et longue vie. Je garde encore grand espoir que Papa Patrice Talon et vous, allez faire la Paix pour le Bonheur de ce petit pays », avait écrit le chanteur.
Puis il interpelle les rois, la vice-présidente de la République, la Première dame : « Les têtes couronnées , j’espère pouvoir compter sur vous… Les confessions religieuses j’espère pouvoir compter sur vous… La Chancellerie… Maman Claudine Talon, c’est votre fils Belmonde Z qui ne connaît peut-être pas le degré de la gravité des faits, qui implore votre indulgence dans cette histoire… Utilisons le mot PARDON pour la joie de ce peuple, que tous ceux qui peuvent quelque chose pacifiquement dans ce sens, agissent en la faveur de ce peuple… Nous sommes un, j’aime le Bénin et tous les Béninois. Nous sommes un ».
Un retour dans le passé
Dans sa lettre, Nicéphore Soglo n’a pas manqué de rappeler les tribulations passées de Sébastien Ajavon sous le régime du Président Boni Yayi. « Sous le régime de Monsieur Boni Yayi, il avait déjà subi une vague d’attaques de ses sbires. En tant que chef de l’État, vous ne vous êtes pas privé de l’invectiver sur la place publique. Il était comparé à un autre déclaré ‘’vertueux’’ par vos soins, alors même qu’il était le président du Conseil National du Patronat du Bénin. Après c’est le tour du régime de Monsieur Patrice Talon. Mais pourquoi tant de haine à son encontre ? », s’interroge le premier Président de l’ère du Renouveau démocratique au Bénin.
Puis il rappelle au Président Patrice Talon son propre passé avec la justice béninoise. « Ce qui se passe actuellement sous votre régime, Monsieur Patrice Talon, est inconcevable, vous qui aviez eu maille à partir avec les institutions, notamment la justice de notre pays dans un passé encore récent. Et pourtant, vous avez pu conserver vos droits de citoyen béninois au point de briguer la magistrature suprême. À cette époque, je suis personnellement intervenu auprès des autorités françaises pour vous éviter une extradition alors que votre tête était mise à prix ici même dans votre pays, le Bénin ». « Pourquoi alors cette intolérance vis-à-vis d’un autre fils de ce pays ? Le Bénin ne saurait être l’otage d’une vengeance personnelle ou d’une vendetta secrète », poursuit l’ex-chef d’État.
Nicéphore Soglo ne cache pas son indignation
Pour Nicéphore Soglo, si Sébastien Ajavon mérite vraiment le sort qu’on lui réserve actuellement, c’est sur la place publique que le débat devrait être mené, de façon contradictoire. Au-delà de tout, on devrait se soucier d’abord de notre vivre ensemble. « Toute tentative visant à mettre en péril notre vivre ensemble est à combattre avec la dernière énergie », martèle Nicéphore Soglo, avant d’enchaîner : « Partout, les États font leur possible pour protéger leurs opérateurs économiques en leur offrant les meilleures conditions pour leur permettre d’aller à la conquête du monde impitoyable du commerce international. C’est inadmissible que, pendant ce temps, chez nous au Bénin, être homme d’affaires devienne un boulet qui conduit à la déchéance. Et les pouvoirs publics sont mis à contribution pour cette hideuse besogne. J’en ai honte et je m’indigne ».
Nicéphore Soglo dit alors attendre des explications non seulement de Patrice Talon, mais également de Boni Yayi sur cette affaire.