Deux mois après le départ de Ben Ali, Mehdi Houas, le ministre de l’économie et du tourisme tunisien, était en visite en France pour soutenir la reprise du tourisme. 400 000 emplois sont en jeu et une chute de 40% des séjours est prévue pour la prochaine saison.
Le constat est catastrophique. « Nous avons dû supprimer 15 000 emplois depuis trois mois, 40% des départs prévus ont été annulés et nous avons définitivement perdu les touristes du mois d’avril, qui ouvrent habituellement la saison » explique, sans réserve Mehdi Houas, ministre de l’Economie et du Tourisme du nouveau gouvernement tunisien. Il était vendredi en déplacement officiel à Paris pour réconcilier les français avec la destination tunisienne. « Sur les sept millions de touristes qui viennent chaque année, quatre viennent d’Europe. Il faut qu’ils comprennent que venir passer leurs vacances en Tunisie cette année, c’est un acte citoyen », encourage Mehdi Houas. Les formules sont fortes, le ministre se veut rassurant. «Les vacanciers ne viennent pas pour voir les restes de la révolution, ils viennent pour se reposer et c’est un savoir faire qu’il nous reste. Nos complexes touristiques n’ont pas souffert de la révolution, les 25 hôtels de Ben Ali ont même été nationalisés» precise-t-il avec amusement. Avec 7% du PIB et près de 400 000 emplois directs sous sa responsabilité, le ministère du tourisme met les bouchés doubles. Il a inauguré début mars le site Internet Ilovetunisia.org, la vitrine de la nouvelle Tunisie comme l’exprime son slogan, «The place to be … Now» [[«L’endroit où il faut être … maintenant»]]. Si le discours est volontairement commerciale, Mehdi Houas tient quand même à prendre quelques précautions sur des pratiques commerciales qui pourraient déstabiliser davantage l’économie du pays. «Il n’est pas question de laisser la place au dumping. Vendre le tourisme tunisien à perte n’est pas une solution et nous seront vigilants sur ce qui pourra être fait par les tour-opérateurs», recadre le ministre.
Mise au point
Mehdi Houas n’était pas venu à Paris seulement avec sa casquette d’agent de voyage, il avait également rendez-vous vendredi avec Christine Lagarde, la ministre de l’Économie française, et Pierre Lellouche, le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur. Après les frasques diplomatiques françaises lors de la révolution tunisienne, l’effort du gouvernement semble avoir porté ses fruits dans les relations entre les deux pays. «C’étaient des rendez-vous très positifs, on a entamé une phase de travail et de reconstruction dont nous avions besoin», explique le ministre. Le rendez-vous portait sur les relations commerciales entre les deux pays, et ici aussi le ministre tunisien s’est voulu rassurant. «Nous devons apporter des assurances et des garanties sur le fait que les choses ne vont pas se faire de manière arbitraire mais dans le strict respect du droit», a-t-il expliqué en sortant de son entretien. 1 200 filiales françaises sont présentes en Tunisie et emploient plus de 110 000 personnes. « Ils ne sont pas en train de perdre de l’argent, ils investissent pour l’avenir. Nous nous souviendrons de ceux qui seront restés et qui auront aidé le pays à la relance », précise Mehdi Houas, un brin moraliste, avant d’aborder la politique sociale qu’il entend mettre en place. « Il y a eu des grèves que les chefs d’entreprises français qualifiaient « d’illégitimes ». Beaucoup d’ouvriers étaient employés illégalement. Ce sont des pratiques d’un autre temps qui doivent disparaitre. Nous allons régler tous ces problèmes en veillant à ne pas sortir de la zone de compétitivité » précise-t-il prudemment.
Le chantier est donc colossal alors qu’il ne reste que quatre mois avant les élections, « le rôle du gouvernement de transition est de stabiliser le pays pour redémarrer sur des bases saines », explique-t-il avant de conclure : « cela fait seulement trois mois que je suis dans le gouvernement mais j’ai l’impression d’avoir fait un travail de deux ans ».