La fête de Pâques sera célébrée dans deux jours, dans le monde entier. Pays habité par 95% de musulmans, le Sénégal ne déroge pas à cette célébration. D’ailleurs, l’intégralité du pays est à fond dans les festivités. Le Ngalakh est distribué partout.
Pour cette année particulière, le mois de carême et celui du ramadan se sont croisés. Alors que les chrétiens sont en train d’achever leur jeûne, les musulmans en sont à mi-chemin. Comme à l’accoutumée, ce vendredi 15 avril 2022, place est faite à la distribution, à l’échelle nationale, de Ngalakh. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’un mélange sucré, fait de lait, pain de singe, pâte d’arachide qui accompagnent les granulés de mil auparavant cuits à la vapeur et refroidis.
Selon leurs goûts, certains y ajoutent du coco râpé, de la banane coupée en petites tranches, de la pomme, rouge et/ou verte, sans compter les petits ingrédients comme la fleur d’oranger, la muscade en poudre et autre sucre vanillé. Le rendu est un succulent mets, couleur marron, servi par les familles chrétiennes, dans tout le Sénégal. Comme cela se passe lors des fêtes de l’Aïd (Fitr comme Kébir), où les chrétiens sont les invités royaux des musulmans avec qui ils partagent les repas de toute la journée, la fête de Pâques ne déroge pas à cette règle de partage de… pain.
Comme les années précédentes, mais encore plus cette année, où les deux religions ont vu leurs périodes de jeûne se rencontrer, la symbiose est encore plus parfaite. Le soir, la distribution de Ndogou (plat de rupture du jeûne) est assurée par musulmans comme chrétiens. Chacun s’y met, avec la foi dans son cœur, lequel cœur est déposé sur la main qui offre ce repas dégusté après une journée de privation. « Le fruit d’un embrassement islamo-chrétien ancré dans notre pays où nous avons dépassé le cadre de dialogue entre les religions », admet Mbaye Diouf, professeur de philosophie.
Depuis plus d’une semaine, les moulins, de mil comme d’arachides grillées, fonctionnent à plein régime. Par endroits, c’est une longue queue depuis deux jours. Il faut apprêter la pâte d’arachide comme la farine de mil, pour faire le jus et les granulés. « Cela fait une semaine que ma machine fonctionne sans arrêt. Je dois honorer mes délais fixés aux clients. La date butoir était ce jeudi, car les femmes doivent tout apprêter pour procéder à la distribution de Ngalakh, demain vendredi », confie Modou Sarr, meunier, qui a obtenu la dérogation de certains clients qui auront leur farine ce vendredi matin. Devant son local où bourdonne le bruit de son moulin à courroie, une véritable file indienne. Chacun veut faire moudre son mil.
Entre le jeudi et le vendredi, c’est la mobilisation dans tous les foyers chrétiens, où les femmes se donnent rendez-vous pour aider la voisine à réussir la préparation de la fête. Calebasse sur les jambes, chaque femme, avec une dextérité incroyable, effectue de la main un mouvement constat de rotation, pour transformer la farine de mil en granulés d’environ 2mm de diamètre. Une fois ces granulés formés, le produit est passé à la vapeur jusqu’à cuisson. « Je m’occupe du jus. J’ai déjà malaxé la pâte d’arachide, le pain de singe sera instantanément passé au tamis pour éliminer les pépins et les fibres », lance Aminata Sow, venue aider sa voisine à préparer le Ngalakh.
Certains, pour leur part, avait déjà commencé leur distribution de ce délicieux mets très prisé, depuis le mercredi. C’est le cas de Jean Samba Cisse, ingénieur en sécurité industrielle et bâtiment, qui, depuis mercredi, a entamé sa livraison, pour pouvoir servir à ses nombreuses connaissances, à temps. Il arrive pour certains, de faire traverser les frontières régionales à cette préparation envoyée parfois à des parents, proches ou amis. En attendant dimanche, où le même partage de repas est effectué, toujours au domicile des familles chrétiennes où tout se prépare, dans la communion entre les deux religions. Dans un respect strict des recommandations de chaque bord.
De la viande de porc en abondance, pour les chrétiens, mais aussi du poulet et parfois du mouton pour les frères et sœurs musulmans qui, naturellement, se sont toujours appropriés cette fête de Pâques. Comme c’est le cas pour Noël dont la célébration est générale. Ce soir, aucune famille sénégalaise ne dormira sans quelques pots ou autres sachets de Ngalakh dans son réfrigérateur. Après avoir bien ingurgité de grosses quantité de ce plat qui a su consolider la fraternité entre musulmans et chrétiens de ce pays d’Afrique de l’Ouest.
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