Après avoir interpellé les candidats en lice via la presse nationale, en novembre 2006, l’ONG Urgence Darfour – collectif, regroupant une centaine d’associations, présidé par Jacky Mamou- a convoqué les principaux présidentiables mardi soir dans la salle de la Mutualité à Paris. L’objectif du meeting ? Convier les prétendants à l’Elysée à signer un texte d’engagement visant à tout mettre en œuvre pour que cessent les massacres de civils au Darfour.
Après le pacte écologique de l’animateur de télévision et militant Nicolas Hulot, Jacky Mamou propose le « pacte Darfour » et espère récolter un million de signatures « pour l’envoi immédiat d’une force de protection internationale ». Les principaux présidentiables ont répondu à l’appel. Si Ségolène Royal et François Bayrou ont fait le déplacement, Nicolas Sarkozy s’est fait remplacer par la sécrétaire nationale UMP aux droits de l’homme Nicole Guedj. Tous ont signé le pacte. Reportage.
Moins d’une heure après l’ouverture, la Mutualité affiche complet. Salle comble. Des civils, des militants, quelques réfugiés darfouris, un aréopage de journalistes, une partie de l’intelligentsia parisienne ainsi qu’un échantillon du gratin politique s’y sont réunis. Les vétérans des grandes causes humanitaires se succèdent à la tribune. Avant d’entamer son discours-reportage, le philosophe Bernard-Henri Lévy a lu une lettre du président Jacques Chirac dans laquelle il exhorte « le gouvernement soudanais à respecter les accords de paix. Nous ne pouvons plus rester silencieux face à cette tragédie ». Première salve d’applaudissement dans la salle. Dans la foulée, BHL, fraîchement rentré du Darfour, décrit ce qu’il a vu, ce qu’il a ressenti pendant huit jours passés au Tchad et au Darfour en compagnie de Abdul Wahid Nour – présent dans la salle -, le chef de la Sudan Liberation army (SLA). « Des morts vivants, des spectres errants, terrorisés par les janjawids », les milices officieusement officielles du président Omar al Bachir, « un criminel de guerre ». Sans louvoyer, le philosophe n’hésite pas à accuser la France de « non assistance à peuple massacré », et déplore l’absence de mobilisation de la population. « Où sont passés les français qui défilaient quatre ans auparavant contre la guerre an Irak ? »
A l’unisson, les intervenants fustigent la Chine pour son soutien au régime de Khartoum. Un soutien économique, militaire et politique. Disposant d’un siège au conseil de sécurité de l’ONU, Pékin fait obstruction aux projets de résolution et de sanction à l’égard du Soudan. Pour l’empire du milieu, priorité aux intérêts. « Silence on tue » dirait le socialiste Laurent Fabius. Mais la contre-attaque est lancée. Les jeux olympiques en ligne de mire. Prévu à Pékin l’année prochaine, l’évènement sportif pourrait prendre des allures d’arène politique.
Faire pression sur la Chine
Pour François Bayrou, c’est clair, « si ce drame ne cesse, alors la France s’honorera de ne pas participer aux jeux ». Même son de cloche du côté de Ségolène Royal qui explique que la Chine en a besoin pour son « image internationale et son développement économique. Alors jouons le jeu de l’argent contre l’argent ». « Le silence est une forme de complicité » rappelle la socialiste. Du point de vue de François Zimeray de SOS Darfour, « Cette menace sur Pékin demeure un atout et une chance. Il ne faut pas hésiter à faire pression sur la Chine ». Il y a urgence. Les résolutions votées à l’ONU achoppent sur le refus de Khartoum, appuyé par Pékin, qui refuse mordicus l’envoi de renforts de 20000 casques bleus en renfort des soldats de l’Union africaine. « Pas d’unanimité à l’ONU, pas d’efficacité » rappelle le ministre des Affaires étrangères M. Douste-Blazy. « S’il n’y a pas d’accord politique entre les groupes rebelles et le gouvernement soudanais alors tout accord militaire serait un échec » répond-il aux militants qui appellent à une intervention militaire française au Tchad et qui prônent l’armement des rebelles.
Pour clôturer le meeting, le commandant Abdul Wahid Nour lance un appel du cœur à la France pour protéger son peuple. Plus le temps d’attendre, il y a urgence. « La guerre au Darfour est une guerre entre l’Islam moderne et l’Islam de la haine et du terrorisme. » A la France de choisir son camp, mais le temps presse. Déjà 400000 morts, plus de deux millions de réfugiés, certains parlent du premier génocide du 21e siècle…
Le site du collectif Urgence Darfour