Le sommet surprise organisé à Tripoli, mardi, met un frein certain à la mise en place de l’Union pour la Méditerranée. Cette réunion des représentants des pays de la rive sud a fourni à Muammar Kadhafi l’occasion de dire tout le mal qu’il pensait de l’initiative franco-européenne. Les autres ne se sont pas publiquement exprimés, et réservent leur décision de participer ou non.
« L’UPM est un affront fait aux pays de la rive sud », estime le colonel Muammar Khadafi. Réunis à Tripoli pour un mini-sommet sur l’Union Pour la Méditerrannée (UPM) sur une initiative du Guide libyen, les dirigeants de la rive sud tentaient d’adopter une position commune sur le projet cher au président français, Nicolas Sarkozy. Lors d’un discours prononcé en ouverture du sommet, le leader libyen a d’emblée rejeté en bloc toute participation à l’UPM, et a enjoint ses homologues d’ en faire autant.
Son principal grief porte sur le fait que la coopération s’adresse uniquement aux pays riverains de la Méditerranée : « Ce projet porterait atteinte à l’unité africaine et arabe ». Pour Kadhafi, les négociations devront passer par l’Union Africaine ou par la Ligue Arabe dans leur globalité. Et pour corroborer cette idée, il a fait un parallèle avec le souci de l’UE de rester unie, alors que le projet initial de Nicolas Sarkozy prévoyait que seuls les pays membres riverains de la Méditerranée prendraient part à l’UPM.
A cette volonté de négocier en bloc élargi s’ajoutent des remarques sur le contenu de l’UPM. « Nous ne sommes ni des affamés ni des chiens pour qu’ils nous jettent des os. » Avec ces propos virulents envers les pays de la rive nord, le colonel Kadhafi dénigre les propositions de coopération en matière de commerce, de sécurité et d’immigration. A un partenariat économique et stratégique, il a dit préférer les thèmes de la maladie, de la menace climatique, de la coopération entre cultures.
La rive-sud tergiverse
L’hôte du mini-sommet est le seul à s’être exprimé publiquement, le reste de la rencontre s’étant déroulé à huis-clos. L’issue de la manifestation n’a pas donné lieu à une déclaration commune des parties en présence. La position de ces pays reste donc encore en suspens. Néanmoins des divergences d’opinion sont à prévoir, notamment sur la question de la présence d’Israël dans le projet d’union méditerranéenne. Beaucoup pensent que ce n’est pas à l’Europe de normaliser les relations israëlo-arabes. Des pays comme la Syrie ou l’Algérie, pour lesquels les présidents Al-Assad et Bouteflika étaient présents, réservent leur adhésion dans l’attente d’ « éclaircissements » sur le rôle d’Israël. En revanche le Maroc (qui n’avait envoyé à Tripoli que son Premier ministre), ainsi que la Tunisie (représentée au sommet par le président Ben Ali) ont déjà déclaré que cela ne leur posait pas problème. Quant à l’Egypte, solidaire du projet d’UPM et dont les relations avec Israël sont assainies, elle avait décidé de décliner l’invitation de Kadhafi.
Déjà des divergences apparaissent. L’Egypte qui hériterait de la co-présidence de l’UPM est montrée du doigt, tout comme le Maroc qui en abriterait le Siège.
Comité restreint le 13 juillet ?
Le lancement de l’UPM aura lieu le 13 juillet à Paris. Nicolas Sarkozy s’est déjà confronté aux réticences européennes. Au mois de mars il a dû reculer face à la chancelière allemande Angela Merkel qui refusait d’être exclue de l’UPM. Le projet initial prévoyait en effet une collaboration uniquement entre pays bordant directement la Méditerranée. Du côté « nord » on est ainsi parvenu à un consensus depuis la révision a minima du projet. Son instigateur a accepté d’en faire un simple prolongement du Processus de Barcelone sous l’appellation « Processus de Barcelone : Union Pour la Méditerranée ». Du côté « sud » par contre, l’intervention de Muammar Kadhafi met en exergue des résistances avec lesquelles il faudra composer. L’UE se targue de vouloir renforcer les relations multilatérales avec la Méditerranée tandis que les pays de la rive sud arguent qu’elle n’a rien de concret à leur proposer. Dans sa diatribe, Kadhafi a rappelé l’échec du Processus de Barcelone lancé en 1995 et déploré que l’UPM s’inscrive dans sa continuité. Il a d’ores et déjà annoncé qu’il ne serait pas présent à Paris le 13 juillet.
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