Ils sont titulaires de maîtrises, de diplômes de troisième cycle, de doctorats… et sans emploi. Car contrairement à leurs aînés, l’Université ne leur garantit plus l’accès au travail. Une mutation qui s’opère douloureusement. Quatrième volet de notre série sur l’Université en Afrique.
Malgré le doctorat en droit international qu’il vient d’obtenir en France, Saïdou n’a guère d’espoir de décrocher un emploi dans son pays, la Mauritanie. » J’ai plusieurs amis qui sont toujours sur le carreau depuis deux-trois ans alors qu’ils ont une maîtrise, un DEA ou un doctorat » constate-t-il. Un phénomène qui concerne en fait la plupart des pays africains qui, depuis la mise en place des programmes d’ajustement structurel dans les années 80, n’ont plus les moyens d’assurer du travail à tous leurs diplômés.
Partout le constat est le même : l’Etat a dû réduire ses dépenses, et la fonction publique, qui constituait le principal débouché pour les étudiants, a considérablement limité ses recrutements. Alors que parallèlement, le secteur privé, dont le développement est très inégal d’un pays à l’autre, n’a pas été en mesure d’assurer le relais. D’où un nombre croissant de jeunes, privés de réelles perspectives professionnelles après pourtant de longues études. Des jeunes qui se sentent floués, » sacrifiés » par leurs gouvernements et qui expriment régulièrement leur colère, parfois de façon violente, par des manifestations, sit-in ou autres grèves de la faim.
» Ces diplômés acceptent d’autant plus mal cette situation qu’historiquement l’Université représentait la voie d’accès à l’élite, ses diplômes étaient à la fois un passeport pour l’emploi et un titre symbolique de prestige. Aujourd’hui, les gouvernements leur disent clairement que ce temps-là est fini. C’est une remise en question à la fois du statut de l’Université, du savoir qui y est dispensé, des diplômes et de leurs titulaires, qui a du mal à s’effectuer « , explique Etienne Gérard, chercheur à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) au Maroc.
Des emplois précaires et à temps partiel
Ainsi, dans ce pays, on estimait fin 98 qu’environ 30% des diplômés de l’enseignement supérieur étaient au chômage, un chiffre qui s’élevait à 26,8% pour les diplômés du secondaire… Des chiffres qui ne reflètent que partiellement la réalité précise Etienne Gérard tout en soulignant que » finalement, plus on a un diplôme élevé, moins on a de chance de trouver un travail ! « . Un paradoxe qui s’explique en partie par le refus fréquent de la part des plus diplômés d’emplois inférieurs à leurs qualifications.
Car, outre le chômage, ces jeunes sont confrontés au sous-emploi. Lorsqu’ils trouvent du travail, il s’agit en effet très souvent d’emplois précaires, à temps partiel. Une étude réalisée à Dakar, où l’on dénombrait près de 8000 diplômés sans emplois en 1997, démontre ainsi que les titulaires de maîtrise et au-delà se retrouvent en moyenne occupés à mi-temps. Alors que les jeunes sortant d’Instituts privés, où ils ont suivi des formations plus courtes mais aussi plus » professionnalisantes « , sont finalement mieux lotis, avec des emplois plus stables et mieux payés, dans l’industrie, le secteur de la banque et de l’assurance ou les cabinets de conseils ou d’expertise comptable.
Depuis quelques années, on assiste effectivement à une multiplication de ces écoles privées supérieures, essentiellement dans le domaine du commerce et de la gestion, dont l’offre de formation répond plus directement aux besoins économiques des pays. C’est également dans ce sens que plusieurs gouvernements cherchent à réformer l’Université. Ainsi, au Maroc, des mesures sont prises pour professionnaliser l’enseignement supérieur et l’ouvrir au monde des entreprises.
Catherine Le Palud
Retrouvez les premiers articles de la série sur les universités africaines
La recherche, parent pauvre
Le malaise des étudiants