« Le marché de la musique africaine bientôt plus grand que le marché européen ». L’affirmation peut paraître un peu osée et hasardeuse, pourtant, elle émane directement de Lucian Grainge, le PDG d’Universal Music monde.
L’homme d’affaires s’est fendu de cette déclaration pour défendre sa vision à long terme. Selon lui, l’Afrique étant l’un des continents les plus peuplés du monde, son avenir économique et celui de sa production musicale sont forcément radieux.
Le marché de la musique en pleine évolution
Lucian Grainge prévoit que sa prévision se réalise dans les dix prochaines années. À l’heure actuelle, les marchés de la musique les plus importants sont les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Cependant, les marchés latino-américain, chinois et africain sont actuellement en très forte croissance.
Chez les équipes d’Universal, cela ne veut dire qu’une seule chose : une source de profits potentiels à côté de laquelle il ne faut surtout pas passer. Universal a donc décidé d’investir des sommes conséquentes dans ses différents départements africains, pour stimuler le marché local de la musique africaine en produisant de nombreux nouveaux artistes.
Évidemment, l’objectif est de faire grossir le marché africain pour pouvoir ensuite inonder le reste du monde avec cette musique de plus en plus populaire. Il n’est désormais plus question de cantonner la musique africaine au rayon « musique du monde » des disquaires, mais davantage de lui reconnaître une identité suffisamment forte pour bâtir un marché sur elle.
Un continent où tout est à faire
Si la scène musicale africaine vit à travers le monde entier au fil des différentes migrations, il n’en est pas exactement de même en Afrique. En Europe et en France, il est possible de suivre assidûment la scène africaine et les sorties des albums d’artistes d’origines africaines, notamment sur des sites d’informations musicales généralistes comme Hey Alex.
En Afrique, le marché n’existe même pas encore vraiment et Universal a encore beaucoup de travail. La maison de disques a inauguré sa nouvelle succursale Universal Music Africa (UMA) et s’est même fendue d’un nouveau logo dans lequel le continent africain est placé au centre du globe terrestre bien connu.
En premier lieu, UMA aura pour mission de professionnaliser le marché là où il est principalement artisanal pour le moment. En Afrique, la vente de CD ou de morceaux numériques n’existe presque pas et il faut d’abord créer les infrastructures et combattre le piratage illégal. Actuellement, les revenus des artistes africains ne proviennent que des sponsors qu’ils obtiennent auprès de certaines marques et du prix des billets de leurs concerts.
Un marché qui existe déjà
Pourtant, il serait naïf de croire qu’il n’existe pas de marché ou de production musicale en Afrique simplement parce qu’ils ne fonctionnent pas précisément comme dans le reste du monde. Le Ghana, par exemple, organise chaque année les prix de la musique africaine (AFRIMA). La 5e édition se tiendra à Accra du 21 au 24 novembre 2018 et récompensera les meilleurs artistes de l’année.
Cet événement est rapidement devenu très populaire en Afrique, et sa cinquième édition sera diffusée en direct dans plus de 84 pays du continent. Les organisateurs espèrent évidemment que le récent intérêt d’Universal pour la musique locale aidera l’événement à s’exporter vers d’autres continents. Ils souhaitent prouver au monde entier que la musique africaine est bien vivante et qu’elle est capable de s’organiser elle-même.
Spotify entre dans la course
De toute évidence, le marché gigantesque de la musique africaine n’a pas seulement séduit la maison de disque internationale Universal Music. Spotify, le service de streaming musical parmi les plus célèbres, a également annoncé, au début du mois d’octobre 2018, le lancement de plusieurs services pour promouvoir cette musique.
Ce nouveau contenu s’appellera Afro Hub et il aura pour objectif d’offrir aux utilisateurs un accès privilégié à la musique et à l’actualité musicale du continent africain. Spotify a également annoncé que, en cas de succès, l’entreprise prévoyait de multiplier ce genre d’initiative pour offrir plus de visibilité aux acteurs musicaux trop souvent oubliés.
On pourra donc trouver sur Afro Hub de nombreux artistes déjà très connus, de nouveaux talents promus par Spotify, mais aussi beaucoup de podcasts et d’émissions radio en lien avec l’actualité musicale africaine. En somme, ce sera une véritable plateforme de partage et de découverte pour tous les amateurs et les passionnés de musique africaine.
Un futur marché gigantesque
Comme nous le disions un peu plus tôt, le marché africain développé par UMA, ce n’est, pour le moment, pas grand-chose. Seulement quatre artistes et quatre groupes ont signé pour le label et l’un d’eux, Toofan, a enregistré un duo avec la chanteuse française Louane. On discerne donc encore la volonté d’Universal de fabriquer des artistes qui seront faciles à exporter.
Cependant, la maison de disques assure que la conquête du marché africain n’en est qu’à ses débuts et que son objectif n’est pas d’exporter tous les talents du continent. Au contraire, avec un continent peuplé par 1,3 milliard d’êtres humains dont 65 % ont moins de 25 ans, ce marché a des allures de futur Eldorado.
En 2050, le continent devrait avoir atteint les deux milliards d’habitants. Si les investisseurs continuent à équiper massivement la région en téléphonie mobile et en service de fournisseurs d’accès à Internet en grande vitesse, le streaming musical devrait alors s’y faire facilement une place et y gagner beaucoup d’argent. Il faudra donc que les maisons de disques soient prêtes, le moment venu, à proposer aux habitants la musique qu’ils aiment et qui leur ressemble.