La campagne mondiale « Unissons-nous pour les enfants contre le sida » est sur la bonne voie, selon l’Unicef, à l’origine de l’initiative. Lancée il a tout juste un an, elle vise à donner plus de visibilité aux enfants affectés ou/et infectés par le VIH-sida. Christine Naré Kaboré, administratrice régionale du programme enfant et sida de l’Unicef, dresse un bilan pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
« Unissons-nous pour les enfants contre le sida » célèbre sa première année. Cette campagne mondiale, qui s’achèvera en 2010, a été lancée par l’Unicef le 25 octobre 2005 dans l’espoir d’accroître la visibilité des enfants dans les programmes et actions de lutte contre le sida. La dernière action en date de cette initiative est un atelier, à Dakar (Sénégal) du 16 au 18 octobre, destiné à renforcer la réponse de la société civile dans la lutte contre le VIH. Sur le continent noir, la première année de la campagne, soutenue par la société civile, des ONG et les autorités, semble prometteuse, d’après Christine Naré Kaboré, l’administratrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du programme enfant et sida de l’Unicef. Elle dresse un bilan et revient sur les enjeux de la reconnaissance de l’impact du sida sur les enfants.
Afrik.com : Pourquoi avoir lancé cette campagne ?
Christine Naré Kaboré : Nous – c’est-à-dire l’Unicef, l’Onusida, la société civile, les agences bilatérales… – avons constaté qu’en matière de lutte contre le sida, les progrès les plus faibles concernent les enfants et les adolescents. Il n’y avait pas de politique de développement alors que la maladie concerne durement les enfants. C’est un facteur dont il fallait tenir compte.
Afrik.com : Quel bilan faites-vous de sa première année ?
Christine Naré Kaboré : En Afrique, et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest et du Centre, nous avons beaucoup focalisé la campagne sur la sensibilisation et la prise de conscience que le sida concerne aussi les enfants. Nous avons constaté que la représentation des enfants dans les politiques et les grandes rencontres internationales a changé, que les différents partenaires sont plus sensibilisés et veulent s’impliquer beaucoup plus dans les réponses qu’ils peuvent apporter.
Afrik.com : Lorsque vous parlez d’enfants, à quelle tranche d’âge faites-vous référence ?
Christine Naré Kaboré : Cela dépend du domaine dans lequel on intervient. S’il s’agit des adolescents cela va jusqu’à 24 ans et lorsque l’on parle des orphelins ou des enfants vulnérables cela va jusqu’à 18 ans.
Afrik.com : Comment expliquez-vous que 85% des enfants infectés par le VIH soient africains ?
Christine Naré Kaboré : Une grande partie des infections en bas âge se fait à travers la transmission mère-enfant. Seul 1,3% des femmes enceintes séropositives ont accès aux antirétroviraux qui permettent d’éviter la transmission. Par ailleurs, les adolescents se trouvent dans une situation à risque à cause du contexte socio-culturel, notamment en ce qui concerne le genre (faible taux de scolarisation des filles, mariage précoce…). Cela favorise la transmission.
Afrik.com : Le traitement des enfants est beaucoup plus cher que celui des adultes…
Christine Naré Kaboré : Dans le traitement, on peut inclure le diagnostic et l’accès aux services qui permettent d’éviter les maladies opportunistes. Il existe un diagnostic rapide pour les adultes, qui est très peu cher, mais il n’est pas adapté pour les enfants. Or le dépistage précoce pour les enfants est dix fois plus cher que celui pour les adultes. Par ailleurs, le traitement pour les enfants est six à huit fois plus cher.
Afrik.com : Pourquoi le traitement pour enfants est-il si cher ?
Christine Naré Kaboré : Cela tient au fait qu’il n’y a pas eu d’attention particulière dans les politiques pour les enfants. Il y a aussi que la trithérapie est un marché limité, qui n’intéresse pas beaucoup les boîtes pharmaceutiques. Il y a donc peu de variété de traitement et les prix sont élevés. Si je prends le marché en Occident, le problème de la transmission de la mère à l’enfant est en voie de disparition. Ce problème concerne beaucoup plus les pays en développement, qui n’ont pas d’argent.
Afrik.com : Quelles sont les alternatives pour soigner les enfants ?
Christine Naré Kaboré : Il existe des sirops mais dans beaucoup de cas, à partir d’un certain âge, on prend des comprimés pour adultes que l’on casse car il n’y a pas assez de médicaments avec des formules pédiatriques adaptées. L’idéal serait d’avoir des sirops et des comprimés spécifiques pour prendre en charge les enfants infectés.
Afrik.com : Quelles sont les conséquences à long terme si la problématique « enfant-sida » n’est pas prise en compte ?
Christine Naré Kaboré : Si les réponses adéquates ne sont pas apportées, les objectifs du millénaire seront compromis. L’éducation, la mortalité infantile… toutes les avancées en matière de développement seront perdues. Ce serait dramatique ! Il y aurait des millions d’adolescents et d’enfants qui vivraient dans un environnement où la prévalence serait plus haute, augmentant le risque d’infection. Donc c’est maintenant qu’il faut agir pour que les enfants ne soient plus infectés. Il faut développer tous les programmes pour que ceux qui sont infectés soient mieux pris en compte au lieu des 1% pris en charge aujourd’hui.