Colette Fellous dans Avenue de France transporte son héroïne dans une Tunisie qui n’a pas d’âge. Ou plutôt qui les a tous. Lolly trace son passé, écrit son livre et raconte sa vie. Mais aussi celle de ses proches, celle d’une langue et d’un pays.
Le livre de Colette Fellous est un roman. Un roman qui dit une part de l’histoire et qui raconte une vérité. L’héroïne, Lolly pour les intimes, a vécu en Tunisie puis est venue s’installer en France. Place de la Nation, c’est chez elle à présent. Chez elle depuis vingt ans. Mais bizarrement, la Tunisie ne l’a jamais quittée.
Alors, elle y retourne régulièrement, en songes ou en réalité. » Je cours machinalement rejoindre ces années que je n’ai jamais connues, là-bas, en Tunisie. C’est une de mes promenades préférées et en même temps, je le sais, c’est ma prison. « , dit Lolly qui trace une histoire de la Tunisie. Celle-ci débute avec son grand-père et s’achève avec son frère. Avenue de France, c’est là qu’elle habitait petite et c’est aussi » le roman d’un jour. Le roman d’un siècle, mesuré à un jour. « .
Trame historique
Lolly est un personnage visionnaire qui se promène à travers les âges. Elle raconte le temps de son grand-père, le traité du Bardo de 1881, le protectorat et son père qui trompe sa mère. Chez Colette Fellous le verbe est toujours léger, même si les souvenirs sont lourds. Il court, restituant des années disparues depuis longtemps. Par la magie des mots Lolly rejoue des scènes auxquelles elle n’a jamais assisté et redonne vie à des personnages qui n’existent plus. » Il manque juste un centimètre pour qu’ils puissent se mettre à parler, mais au moins je peux les voir, les approcher, les toucher « , écrit-elle.
Avenue de France est une promenade dans les siècles et sur les choses. L’héroïne se souvient de tout. Du jour où son grand père a abandonné la langue arabe. Du premier rendez-vous de ses parents. Du jour où elle a découvert que la Tunisie ne s’arrêtait pas aux portes du quartier français qu’elle habitait : » J’ai compris qu’à cent mètres de mon pays, il y avait le vrai pays. Je suis entrée, j’étais éblouie « . Le livre est un hymne à ce pays qui hébergeait, il fut un temps, toutes les nationalités. Un pays abandonné par Lolly mais qui se rappelle toujours à elle.
Douleur et regret
Le roman est aussi l’histoire d’une femme qui se retrouve face à l’histoire et qui la relit. Une histoire qu’elle n’a pas su vraiment maîtriser. Avenue de France, c’est le parcours troublé de Lolly. De sa famille, d’un pays envahi et d’une langue dont toute trace a disparu du patrimoine familial en cent ans. Oubli ou refus ? L’héroïne raconte le protectorat, la douleur des Tunisiens, les humiliations subies et elle ressent une sorte de honte.
Alors, Lolly s’excuse indirectement d’avoir méprisé un temps son vrai pays : » J’ai obéi à tout. En croyant suivre la vérité. Je me suis engagée dans la langue française sans réserve. J’ai méprisé tous ceux qui l’écorchaient. J’ai regardé d’un oeil dégoûté tous ceux qui portaient encore sur eux la trace de leur langue maternelle et qui n’arrivaient que péniblement à s’accrocher à cette nouvelle grammaire, même s’ils savaient qu’elle était leur salut. A tous, aujourd’hui, je présente mes excuses. « .
Retour sur un passé douloureux à travers les mots de Lolly et les photos qui illustrent le livre. L’histoire d’une réhabilitation. Et réconciliation avec un pays et ses habitants dont on n’a jamais cessé finalement de faire partie.
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