A partir du 30 octobre, Laurent Gbagbo ne sera plus, selon la Constitution, le Président de la République de Côte d’Ivoire. Mais il demeurera pour 12 mois encore Chef de l’Etat, conformément à la décision de l’Union Africaine, validée par la résolution 1633 des Nations Unies. Les réserves exprimées par l’opposition ivoirienne et le total désaccord des Forces Nouvelles avec cette décision contribuent à nourrir l’inquiétude autour de cette date.
Le 30 octobre approche et Abidjan se crispe. Il n’y aura pas d’élections présidentielles parce que le mandat de Laurent Gbagbo, l’actuel Président ivoirien, a été prolongé de douze mois par l’Union Africaine (UA) et la résolution 1633 des Nations Unies. Mais le week-end qui s’annonce ne sera pas pour autant comme les autres. Les spéculations autour de cette date vont en effet bon train. D’autant plus qu’elles se nourrissent d’évènements qui ont émaillé toute cette semaine. Cette dernière a débuté lundi, avec la célébration, à Yamoussoukro, la capitale politique, du soixantième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies.
Durant cette journée, les Ivoiriens étaient invités à réfléchir aux modalités d’un développement de la culture de la paix dans leur pays. Comme pour prendre à leur compte l’adage selon lequel « qui veut la paix prépare la guerre », les Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) ont annoncé le lendemain qu’elles se livreraient, à compter de ce jour, à des exercices militaires sur le Pont De Gaulle. Un édifice qui surplombe la Lagune Ebrié et relie le Nord au Sud d’Abidjan. L’une des manoeuvres, axée sur l’exfiltration de personnalités importantes, a fait dire au quotidien d’opposition Nord-Sud que les FANCI préparent la fuite des « barons du régime ». L’armée a invité la population à venir assister au clou des ses exercices, durant lequel le pont sera totalement fermé à la circulation, ce samedi, de 9h à 13h.
Les grandes manœuvres
Mardi, toujours, le Professeur Alphonse Djédjé Mady, président du directoire du G7 et porte-parole du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), la coalition de l’opposition ivoirienne, a convié les 25 ministres des partis d’opposition et des Forces Nouvelles, qui constituent le G7, à boycotter le Conseil des ministres du jeudi suivant. Mot d’ordre suivi à la lettre. Pierre Shori, Représentant spécial de Kofi Annan en Côte d’Ivoire, a rencontré ce même jour le Président Gbagbo. Lequel, a-t-on appris le lendemain dans la presse, a retiré la plainte déposée en 2004 pour tentative de coup d’Etat contre Ibrahim Coulibaly. Le militaire, surnommé IB, est le cerveau du putsch de décembre 1999.
Cet après-midi du 26 octobre, cinquième anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo, les Forces de sécurité et de défense étaient attendues au palais présidentiel. La télévision nationale a révélé le contenu du message qui leur a été adressé par le Président. A savoir que les militaires ne doivent pas se laisser charmer par le chant des sirènes de la division. Pour gage de sa bonne foi, le chef de l’Etat a annoncé qu’il s’est acquitté des 121 milliards – sur 137 – d’arriérés de primes dus à l’armée et que le reliquat sera disponible dans les prochains jours.
Cette précision pécuniaire faite, Laurent Gbagbo a fait savoir qu’il ne laissera pas « la chienlit prospérer en Côte d’Ivoire ». « Préservez par tous les moyens la paix civile […] Je vous ordonne de veiller sur la sécurité des Ivoiriens […] ou Vaccinez le pays pour ne pas que la variole revienne » sont quelques uns des mots d’ordre qu’il a lancé en direction des responsables de l’armée, qui souhaitent pour la plupart un apaisement de la situation politique.
Qui sera le Premier Ministre de transition ?
Il a par ailleurs rappelé que toute manifestation est interdite jusqu’à la restauration de la paix. Les rassemblements qui se tiendront dans des endroits clos ne sont à priori pas concernés. Ainsi, la jeunesse houphouétiste se retrouve dimanche jusqu’à l’aube pour célébrer la qualification de la Côte d’Ivoire au Mondial 2006. Les jeunes patriotes de Charles Blé Goudé, qui avaient choisi le même jour, se donnent finalement rendez-vous mardi pour fêter la prouesse des Eléphants. Jeudi, Kofi Annan a appelé toutes les parties ivoiriennes à appliquer scrupuleusement la résolution 1633 et à éviter tout rassemblement qui pourrait être l’objet de tensions.
Enfin, ce vendredi, la RHDP a réaffirmé qu’elle ne considérerait plus Laurent Gbagbo, à partir du 30 octobre, comme le Chef des armées. Et qu’il ne serait par conséquent plus en mesure de réquisitionner l’armée nationale. Le communiqué a été publié à la suite de sa rencontre avec Pierre Shori, dont l’impartialité est aujourd’hui fortement remise en cause par l’opposition ivoirienne, au vu de son interpretation de la résolution des Nations Unies. A noter que les forces onusiennes ont été récemment renforcées en Côte d’Ivoire.
Le nouveau statut accordé à M. Gbagbo par le RHDP est nettement plus enviable que celui de « putschiste » que lui réserve les Forces nouvelles. Si ces dernières ont rejeté la résolution 1633, elles n’en n’ont pas moins proposé les candidatures de Guillaume Soro et de Louis André Dacoury Tabley – le secrétaire général des Forces Nouvelles et son adjoint – au poste de Premier ministre de transition. Le nom de celui qui, selon le G7, devrait être issu de l’opposition, sera en principe connu d’ici dimanche, début officiel de la nouvelle transition ivoirienne. Le même jour sont attendus à Abidjan Thabo Mbeki, le Président sud-africain et médiateur de l’Union africaine, ainsi qu’Olusegun Obansajo, le Président nigérian et de l’organisation panafricaine, en deuil. Comme pour mettre un point final pacifique à cette semaine de tous les dangers.