Les habitants de Fès se rendent par milliers à « Rahebat zbib », le seul marché de vente aux enchères de la ville. Acheteurs ou vendeurs, ils sont encore plus nombreux à tuer le temps au souk, durant le ramadan, en attendant l’appel du muezzin.
De notre partenaire L’Economiste
«Rahebat zbib» est le nom du seul souk de vente aux enchères à Fès. Situé au coeur de l’ancienne médina près de la place Rcif, ce marché attire des milliers de personnes pendant le mois sacré du ramadan. L’énorme foule donne une impression de manifestation. Les gens viennent de tous les quartiers de la ville pour « vendre et acheter » tout genre de produits. Et de nombreux visiteurs viennent juste y passer un moment, en attendant l’appel du muezzin pour le Ftour (dîner, rupture du jeûne). Outre le plaisir de réaliser une bonne affaire, les petits acheteurs découvrent parfois des œuvres d’art précieuses et peu coûteuses.
Chaque jour, hommes et femmes de tout âge participent aux multiples enchères. Pour certains vendeurs, c’est le manque d’argent qui les pousse à sacrifier quelques objets de la maison. Pour d’autres, c’est l’occasion de réaliser des marges sur des objets rachetés. Une vieille femme arrive du côté de la rue « Bab Senssla ». Elle met douloureusement ses biens en vente pour « payer le loyer et la facture d’eau et d’électricité » : un téléviseur 21 pouces, une radiocassette, une machine à coudre, une marmite… La dame cherche un intermédiaire, appelé « dellal » dans le jargon, qui entamera l’opération en toute confiance. Rahebat zbib compte une cinquantaine de « dellala ».
Avec ou sans intermédiaire
Près d’une boutique, la vieille dame s’est retirée, mais surveille de loin le déroulement de l’opération de vente aux enchères menée par le « dellal ». Pour la télé, la vente commence à partir de 100 dirhams. Le dernier offrant propose 750 DH. L’intermédiaire empoche, pour sa part, une commission de 5%. Cette commission aurait pu être de 10% si le prix de vente n’avait pas dépassé les 500 DH.
Pas très loin, des héritiers arrivent avec un grand éventail d’objets ayant appartenus à un parent défunt. La foule se presse autour d’eux. Lustres, tableaux, soupière « Taoues », matelas, habits usagés, l’affaire semble beaucoup plus importante. Ces vendeurs ne veulent pas engager un négociateur. Pour une bouchée de pain, il est possible de dénicher de belles pièces, se disent les curieux.
Bonheur de humbles bourses
La clientèle très modeste focalise son intérêt sur les prix. Peu importe l’objet, utile pour l’un, inutile pour l’autre, seul le prix est déterminant. Pour la plupart des visiteurs, qui sont là très tôt, il s’agit tout simplement de pouvoir s’offrir des objets de valeur sans se ruiner. Pour les marchands de Rahebat zbib, tout visiteur est un acheteur ou vendeur potentiel. Le photographe de L’Economiste a même été abordé pour vendre son appareil.
La contrebande fait librement sa place à Rahebat zbib. Sur la « Tassiaa », le nom d’une place au sein du souk, une quarantaine de personnes ont installé leurs étals depuis des années. Une grande surface à ciel ouvert, dont les produits, mis en vente, ressemblent à ceux de Derb Ghallef (Casablanca). De l’électroménager à l’habillement en passant par les produits alimentaires, sanitaires et autres, il y a de tout. Mais pour les marchands de Rahebat zbib, ce type de commerce n’est pas très juteux.
De notre correspondant, Youness SAAD ALAMI