Au port de Cotonou, on y vend et on y achète de tout. Hommes, femmes, enfants et …passeurs, tout le monde est transitaire ou commissaire en douanes. Reportage.
De notre correspondant à Cotonou.
Le phare du Port autonome de Cotonou vient à peine de s’éteindre, passant le relais aux premières lueurs de l’aube. Accostés de nuit, les navires à quai n’ont pas encore livré leur contenu, les veilleurs continuent leur ronde. A quelques centaines de mètres des points de déchargement, une foule compacte s’impatiente et se bouscule. Les immenses portails métalliques du port restent infranchissables. Enfin, la sirène du port retentit : il est 7 heures 30 du matin. Par vagues successives, plusieurs centaines d’hommes, véritables bras valides, font irruption dans l’immense espace portuaire sans qu’on ne puisse contrôler leur identité et leur fonction.
Profession : transitaire
Quelques agents des forces de sécurité publique exigent de certains, au hasard, des papiers à l’entrée. Peine perdue. Toutes celles et tous ceux qui entrent au port de Cotonou se réclament d’une seule et même profession : transitaire. Transitaires, hommes, femmes et adolescents du port autonome de Cotonou le sont sans que la grande majorité ne sache de quoi il retourne. Plus généralement, quand ils ne sont pas transitaires, ils ne s’en éloignent pas. Alors, ils sont commissaires en douanes, manutentionnaires, gestionnaires de stocks, agents de consignation, transporteurs, magasiniers représentants divers. C’est la porte ouverte à toutes sortes d’aventures
Chargés de toutes sortes de biens d’équipement mais surtout de voitures d’occasion et autres véhicules utilitaires, en provenance des grands et prestigieux ports d’Europe et du Japon, les conteneurs sont vidés les uns après les autres, libérant les navires à quai pour d’autres destinations. Du coup, l’espace de déchargement du port de Cotonou se transforme en un immense marché où se côtoient des transitaires auto-proclamés. Certains se donnent pour mission d’acheminer toute une série de voitures débarquées par des postes de vérification jusqu’aux formalités de dédouanement et de sortie du port : d’autres s’attribuent la surveillance des voitures et engins, plusieurs jours de suite. Et c’est à ce moment que ces transitaires se transforment en passeurs. Ils ne sont pas passeurs de passagers clandestins, mais plutôt de marchandises ou pièces de de rechange volées sur les voitures fraîchement débarquées.
Les veilleurs sont fatigués
Pour mieux réglementer cet immense marché automobile, le gouvernement béninois a imposé le déchargement de tous les véhicules importés en un seul espace portuaire, baptisé » Parc Tampon Unique « . Tous les propriétaires de véhicules y sont tenus de verser un montant de près de 2 000F CFA (200 FF). » Sur ce » Parc Tampon Unique « , qu’on nous présente comme un lieu sécurisé, des dommages importants nous sont causés. Figurez-vous qu’avant même de prendre possession de nos véhicules, et cela prend au moins cinq jours, nombre de pièces sont déjà volées ! « , fulmine un négociant. Comme pour convaincre davantage, il donne quelques exemples » Si j’importe une Mercedes 300 et que je la récupère sans phare ni radiateur, il me faut débourser au minimum 200.000F CFA, soit 2000F, pour pouvoir la commercialiser. Cette Honda est sortie du parc sans l’unité centrale du moteur alors je dois encore dépenser entre 150 000F CFA et 300.000F CFA « .
Les importateurs accusent l’administration portuaire d’être de mèche avec la mafia locale. » Les gestionnaires de ce » Parc Tampon Unique » sont complices du vol de pièces détachées. Sinon comment expliquer que les voleurs ne soient jamais arrêtés ? « , s’indigne un autre importateur.
Les voitures quittent lentement le port. Les voleurs reviendront demain chercher d’autres pièces, et les importateurs leurs nouvelles voitures désossées ou entières. A sept heures, la sirène du port retentira une nouvelle fois.
Fritzell Sintondji