Le mariage entre deux femmes est autorisé dans certaines ethnies africaines. Cette tradition permet aux femmes qui n’ont pas pu avoir d’enfant de profiter de la jeunesse de leur épouse pour connaître les joies de la parentalité. En cas de rupture, les couples tendent à se tourner vers les tribunaux. Une démarche difficile car ces unions symboliques ne sont pas reconnues légalement. Exemple au Kenya.
Unir deux femmes pour conjurer les affres de l’infertilité et de la solitude. Au Kenya, comme dans d’autres pays africains, certaines ethnies autorisent le mariage entre deux femmes. Objectif : permettre à celle qui est stérile, ou qui n’a pu avoir d’enfant, de connaître le bonheur d’élever et de vieillir avec les enfants de son épouse. En cas de litige entre les deux conjointes, c’est en principe aux chefs de tribus de trancher. Mais certaines requêtes atterrissent sur les bureaux des tribunaux.
Les mariages entre femmes étaient fréquents il y a plusieurs décennies. Si l’adoption de proches tend a faire disparaître cette tradition, au Kenya, les Kikuyus, les Massaïs, les Kisiis, les Luos ou encore les Kambas pratiquent encore ces unions symboliques. « Cette tradition s’applique aux femmes célibataires, veuves, stériles ou qui n’ont pas pu avoir d’enfant. Elles recherchent une femme seule, plus jeune, qui a des enfants ou est en âge d’en avoir. Une fois trouvée, elles font leur demande aux anciens, qui fixeront le montant de la dot. Elle peut être payée en nature ou en argent », explique Geoffrey Onsombi, pasteur à l’Eglise Jesus Glory de Kisii (centre-ouest). Ce mariage de confort social est donc plutôt, de fait, réservé aux femmes ayant une situation financière aisée.
L’Afrique pionnière de l’homoparentalité
C’est seulement après le paiement de la dot que mariage est célébré par le conseil des anciens. Les deux femmes deviennent alors « mari et femme ». Le mariage est souvent sobre et ne réunit que les proches. Chez les Kikuyus, il n’y a pas d’échange d’anneaux mais une chèvre est tuée pour l’occasion. Une fois rôtie, le « mari » offre à son « épouse » un morceau de choix. Acte qui scelle l’union. Le couple honorera tous les devoirs d’un couple classique, excepté, la plupart du temps, les relations sexuelles. Le « mari » accueillera chez lui sa « femme » avec ses enfants. Les époux géreront ensemble l’éducation de la progéniture. Procédé qui fait des ethnies africaines pratiquant cette tradition des pionnières en matière d’homoparentalité.
Si la femme épousée n’a pas encore de progéniture, elle choisira un homme pour procréer. La relation se fait dans le plus grand secret. Le géniteur ne jouera aucun rôle, puisqu’il ne sera pas reconnu comme père. C’est « le mari » qui sera reconnu comme père « légal » aux yeux de l’ethnie. Une loi coutumière qui lui permet d’assurer sa descendance, mais aussi de couler de vieux jours entouré de sa propre famille. Etant souvent âgés, les « maris » peuvent se reposer sur leur jeune « épouse » et sur les enfants pour accomplir les tâches les plus contraignantes, comme aller chercher du bois ou de l’eau.
Pas de reconnaissance légale
Mais, comme dans les mariages « classiques », la relation peut se gâter avec le temps, pour des motifs aussi divers qu’incompatibilité d’humeur, abandon ou encore infidélité. Si les deux femmes souhaitent se séparer, la décision doit être tranchée par les cours traditionnelles. Toutefois, quelques demandes de divorce arrivent devant les tribunaux. Ces instances sont alors amenées à statuer sur des unions qui sont tolérées, mais non reconnues aux yeux de la loi.
Les cours de justice sont aussi saisies pour des problèmes d’héritage. « La progéniture ‘issue’ de ces mariages a les mêmes droits que ceux issus des mariages dits ‘normaux’. En cas de décès, ce sont les enfants mâles qui sont privilégiés par rapports aux femmes », explique le pasteur Geoffrey Onsombi. Dans le cas où la part d’héritage, prévue par l’un des membres du couple, est contestée par les proches, le plaignant se tourne aussi vers les tribunaux. La défense des avocats est rendue très ardue par le fait que la législation ne mentionne pas le mariage entre deux personnes du même sexe. Du coup, ils se battent en se basant sur la loi coutumière. En espérant que le rappel de la tradition kenyane l’emportera.