Une importante étude consacrée à l’impact de la nouvelle « économie verte » au niveau mondial estime, dans ses conclusions, que les efforts de lutte contre le changement climatique pourraient générer des millions d’emplois dans les prochaines décennies.
L’étude, intitulé « Pour un travail décent dans un monde durable, à faibles émissions de carbone », constate que les évolutions notées dans les domaines de l’emploi et de l’investissement, grâce aux efforts visant à atténuer le changement climatique et ses effets, ont déjà commencé à générer de nouveaux emplois dans de nombreux secteurs et économies et pourraient créer des millions d’autres postes dans les pays aussi bien développés que sous-développés.
Le rapport, rendu public mercredi, a été financé et commandité par le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE), dans le cadre de l’Initiative conjointe en faveur des emplois verts avec le Bureau international du Travail (BIT), la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Organisation internationale des employeurs (OIE).
Le rapport relève que le processus du changement climatique pourrait continuer d’avoir des effets négatifs sur les travailleurs et leurs familles, en particulier ceux dont les moyens de subsistance dépendent de l’agriculture et du tourisme.
En conséquence, estime encore le rapport, produit par l’Institut Worldwatch, avec l’assistance technique du Global Labour Institute de l’Université Cornell, les mesures prises pour contrer le changement climatique et favoriser l’adaptation à ses effets revêtent un caractère urgent et devraient être conçues pour générer des emplois décents.
Si le ton du rapport est dans l’ensemble plutôt optimiste en ce qui concerne la création de nouveaux emplois pour faire face au changement climatique, il prévient cependant que ces nouveaux emplois pourraient être “rebutants, dangereux et difficiles”.
Plusieurs secteurs demeurent préoccupants, notamment dans les économies en développement. Il s’agit de l’agriculture et du recyclage, dans lesquels la situation, caractérisée par les faibles rémunérations, des contrats de travail peu sûrs et l’exposition à des matériaux dangereux pour la santé, doit changer rapidement.
Le document révèle, en outre, le nombre insuffisant d’emplois verts créés pour les plus vulnérables, soit les 1,3 milliard de travailleurs pauvres (43 pour cent de la main-d’œuvre mondiale) dont les revenus sont trop faibles pour les hisser eux et leur famille au-dessus du seuil de pauvreté de 2 dollars par personne et par jour, ou les quelque 500 millions de jeunes qui seront appelés à chercher un emploi au cours des dix prochaines années.
Les emplois verts réduisent les dégâts causés sur l’environnement par les entreprises et les secteurs économiques, les ramenant à des niveaux supportables.
Le rapport met l’accent sur les “emplois verts” dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie, des services et de l’administration, emplois qui contribuent à préserver ou à restaurer la qualité de l’environnement.
Il appelle aussi à la prise de mesures pour veiller à ce qu’il s’agisse d’“emplois décents” qui contribuent à réduire la pauvreté tout en protégeant l’environnement.
Le rapport indique que le changement climatique lui-même, l’adaptation au phénomène et les efforts visant à y mettre un terme en réduisant les émissions ont des implications plus profondes pour le développement économique et social, pour les modèles de production et de consommation et, par conséquent, pour l’emploi, les revenus et la réduction de la pauvreté.
Ces implications génèrent d’importants risques et opportunités pour les populations laborieuses dans tous les pays, mais plus particulièrement pour les secteurs les plus vulnérables des pays les moins avancés et les petits Etats insulaires.
Par ailleurs, le rapport appelle à une “transition juste” pour les populations affectées par la mutation vers une économie verte et celles contraintes de s’adapter au changement climatique en ouvrant l’accès à des opportunités économiques et d’emploi pour les entreprises et les travailleurs.
L’étude insiste sur le caractère essentiel d’un dialogue social significatif entre le gouvernement, les travailleurs et les employeurs, non seulement pour atténuer les tensions et appuyer la mise en place de politiques environnementales, économiques et sociales mieux éclairées et plus cohérentes, mais encore pour faire de telle sorte que tous les partenaires sociaux soient impliqués dans l’élaboration de telles politiques.
Le rapport note également dans ses principales conclusions que, selon les estimations, le marché mondial des produits et services écologiques devrait doubler, pour passer des 1.370 milliards dollars US actuels par an, à 2.740 milliards de dollars d’ici l’an 2020.
La moitié de ce marché concerne le domaine de l’efficacité énergétique et le reste le transport durable, l’alimentation en eau, l’assainissement et la gestion des déchets.
Les secteurs qui revêtiront un caractère particulièrement important en termes d’impact environnemental, économique et d’emploi sont la fourniture d’énergie, plus précisément l’énergie renouvelable, le BTP, le transport, les industries de base, l’agriculture et la foresterie.
Aux Etats-Unis, les technologies propres sont déjà le troisième secteur le plus important pour l’investissement en capital risque, après l’information et la biotechnologie, tandis que le capital risque investi dans lesdites technologies en Chine a plus que doublé, atteignant 19 pour cent du total des investissements au cours des dernières années.
S’il est vrai que 2,3 millions d’individus ont trouvé un nouvel emploi au cours des dernières années dans le seul secteur de l’énergie renouvelable, le potentiel de croissance de l’emploi de ce secteur est considérable, constate le rapport.
Les emplois dans le domaine des énergies alternatives pourraient progresser d’ici 2030 à 2,1 millions, pour ce qui est de l’énergie éolienne et à 6,3 millions, s’agissant de l’énergie solaire, l’énergie renouvelable générant plus d’emplois que les énergies fossiles.
Les prévisions d’investissement de 630 milliards de dollars US d’ici 2030 devraient se traduire par 20 millions de postes supplémentaires au moins dans le secteur de l’énergie renouvelable.
Le rapport cite quelques exemples dans lesquels il a été noté une création massive d’emplois verts dans le monde, comme les 600.000 personnes déjà employées dans le domaine des produits de fabrication et d’installation d’énergie solaire tels que les chauffe-eau solaires et, au Nigeria, une industrie de bio carburants basée sur les récoltes de manioc et de canne à sucre pourrait permettre l’emploi durable de 200.000 personnes.
De même, l’Inde pourrait créer 900.000 emplois d’ici 2025 dans la gazéification de la biomasse, dont 300.000 dans la fabrication de fours et 600.000 dans des domaines tels que ceux de la fabrication de briquettes et de boulettes dans la chaîne d’approvisionnement en carburant. En Afrique du Sud, 25.000 individus auparavant sans emploi travaillent aujourd’hui dans la conservation de l’eau, dans le cadre du projet “Working for Water” (Travailler pour l’eau).
“Une économie durable ne peut plus externaliser ses coûts environnementaux et sociaux. Les conséquences de la pollution pour la société, comme la dégradation de la santé, doivent être reflétée dans les prix pratiqués sur le marché. Les emplois verts doivent donc être des emplois décents”, ajoute encore le rapport.
Selon cette étude, l’adoption d’un nouvel accord détaillé et efficace sur le climat à l’occasion de la Conférence des parties à la Convention des Nations unies sur le climat, prévue en fin 2009, à Copenhague, jouera un rôle crucial concernant l’accélération du rythme de création d’emplois verts