Un « Ticket » pour la peur


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Ticket, de Jack Souvant, dépeint le périple dangereux de l’immigré clandestin qui décide de quitter son pays pour un avenir meilleur. Seulement, pour une fois, le spectateur participe au voyage au même titre que le comédien. La pièce de théâtre est jouée, en France, dans le cadre du Festival Premiers pas, jusqu’au 30 novembre 2008, au Théâtre du soleil, à la Cartoucherie de Vincennes.

Par Christelle Mensah

« Le bar est le point de départ. King Phone, le passeur, en est le propriétaire. », explique l’auteur et metteur en scène Jack Souvant. A la frontière, il faut trouver un camion à l’intérieur duquel se cacher. Objectif : entrer en Europe. Cette mise en condition plonge tout de suite dans l’histoire. Ticket, la pièce de théâtre de Jack Souvant, raconte l’immigration clandestine en intégrant le spectateur aux déboires des comédiens. Finie le moelleux du siège et la chaleur de la salle. Dans cette mise en scène audacieuse – faite de deux voyages successifs-, le périple vers l’Eldorado est vécu par les comédiens et les 40 curieux venus voir la pièce. « Avec le parcours que le facilitateur nous a fait faire dans le jardin, sa manière de s’adresser à nous, on s’y croyait. C’est vraiment un personnage clé », raconte Pendah, une spectatrice.

Voyage au bout de la clandestinité

Le groupe est guidé par les conseils de King Phone. « Si la police t’attrape, tu ne me connais pas ! Tu ne parles pas, tu n’as plus de nom, de nationalité! Sinon, on te renvoie dans ton pays ». Il distille aussi des stéréotypes sur l’Occident. « Y’a plein de travail là-bas et y’a qu’à se baisser pour en trouver. Là-bas, y’a plein de boulot que les gens ne veulent plus faire comme ingénieur par exemple. » Un mensonge de plus pour encourager les clandestins au passage. Plus loin, un véhicule de marchandises. Embarquement dans la remorque. Une odeur de renfermé. Le passeur leur souhaite « bonne chance » et abandonne les spectateurs à l’intérieur. Le froid, le silence et l’obscurité pour compagnons. A terre, des cageots de bois et dessus, quelques couvertures. Au gré des places, quelques personnes s’asseyent en silence. Soudain, une silhouette se détache du groupe. Elle crie. Une femme. Elle raconte son histoire, teintée du désir d’une vie meilleure. A sa langue maternelle, qu’elle utilise parfois, on devine qu’elle est africaine. Elle se déplace dans le camion parmi les spectateurs muets. « Cette promiscuité inhabituelle ne m’a pas du tout gêné, au contraire ! On était tous des clandestins » décrit la comédienne Tella Kpomahou. Ce voyage va durer 40 minutes. 40 minutes durant lesquelles l’oppression va se répandre parmi les passagers.

Jack Souvant s’est rendu au Niger et à Calais à la rencontre de ces hommes et de ces femmes. De là, il a puisé l’essentiel des scénarios et des sons du spectacle. « D’habitude, dans les médias, on passe d’une information horrible au football. Je voulais ici créer une condition d’inconfort. », explique-t-il. Effet réussi, selon Margaux, qui sort de la remorque. « Notre participation nous pousse à prendre conscience de leur condition. Car nous étions nous-mêmes en situation de clandestinité. C’est réaliste et touchant » assure t-elle. Et tellement loin de l’image véhiculée par la télévision. « On a aussi voulu déraciner les stéréotypes véhiculés sur ces personnes. Ils ne sont pas tous en provenance d’Afrique sub-saharienne et venus en pirogue. Ces gens-là représentent au fond une faible part de cette immigration clandestine», affirme Jack Souvant. « On a aussi voulu montrer l’inconscience de certains d’entre eux. Les plus jeunes n’ont que 15 ans et font du passage un jeu ! Alors que d’autres en sont à leur 40e tentative ! » Une détresse transmise à chaque passager du voyage par la performance des acteurs de Ticket.

Ticket, de Jack Souvant

Cartoucherie de Vincennes, Paris XIIe

Réservation : 01 43 74 24 08

 Consulter le site du festival Premiers pas

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