Les embouteillages et l’agitation urbaine ont repris dans les principales villes et bourgades de l’ouest et du centre du Cameroun, après les flambées de violence qui y ont fait de nombreux morts et ont semé la panique dans l’ensemble de la population fin février, à tel point que la plupart des habitants ne sont pas sortis de chez eux pendant plusieurs jours.
Malgré tout, les associations de défense des droits humains restent inquiètes de l’intervention musclée du gouvernement, qui a pris des mesures sévères à l’encontre des médias, et a arrêté et incarcéré des centaines, voire des milliers de jeunes, qui, selon elles, ne sont pas jugés en bonne et due forme.
« Les arrestations – des personnes accusées d’avoir pris part aux violences – se poursuivent », a expliqué à IRIN Madeleine Afité, activiste de la lutte pour les droits humains chez House of Human Rights.
Le nombre des arrestations fait néanmoins l’objet de controverses. Si, à en croire un porte-parole du gouvernement, les autorités auraient procédé à quelque 1 500 arrestations, pour Mme Afité, le bilan est bien plus lourd. « Environ 2 000 personnes ont été arrêtées, rien qu’à Douala », a-t-elle indiqué.
D’après Me Francis Djonko, avocat à Yaoundé, les individus appréhendés n’ont pas été jugés en bonne et due forme.
« Les accusés devraient avoir au moins trois jours pour préparer leur défense, mais cette règle n’a pas été respectée dans les affaires que j’ai eues à défendre », a-t-il affirmé, ajoutant que certains des accusés avaient déjà été condamnés à des peines allant jusqu’à trois ans de réclusion criminelle.
D’après les dires d’une source proche du président camerounais Paul Biya, certains membres du gouvernement sont soupçonnés d’attiser les violences et risquent de se trouver bientôt placés en garde à vue.
Le président Biya avait fait une apparition à la télévision nationale le 27 février, au cours des émeutes, pour déclarer que « certains politiciens » cherchaient à renverser son gouvernement en fomentant un coup d’Etat.
On ignore également le bilan exact des morts. Jean-Pierre Biyiti Bi Essam, porte-parole du gouvernement, a déclaré à l’Agence France Presse (AFP) mercredi que 24 personnes avaient été tuées, mais pour les associations de défense des droits humains, ce nombre est largement en deçà de la réalité.
« Nous tentons encore de vérifier les informations, mais nous pouvons d’ores et déjà affirmer qu’une centaine de personnes ont dû trouver la mort », a soutenu Mme Afité.
Les organismes de veille médiatique internationale ont accusé le gouvernement de censurer les médias, de se rendre coupables de passages à tabac et autres actes d’intimidation à l’encontre des journalistes, et de confisquer l’équipement de ces derniers.
Les autorités ont également fermé au moins trois bureaux de presse, mais réfutent le fait que ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’une opération générale de censure.
« Ces bureaux de presse diffusaient certaines informations sensibles, provocatrices ou controversées, et bien entendu, certaines décisions administratives ont été prises pour veiller à ce que ces informations ne mettent pas en péril la stabilité ni l’ordre social », a déclaré Elvis Ngolle Ngolle, ministre au gouvernement, sur Voice of America.
Les émeutes ont commencé le 25 février à Douala, centre économique du pays, dans l’ouest, et ont rapidement gagné Yaoundé, la capitale politique, ainsi que d’autres villes, à mesure que les jeunes se soulevaient pour protester contre la hausse du prix du carburant et des produits alimentaires, et contre les efforts déployés par le président Biya pour amender la constitution en vue de pouvoir se présenter une nouvelle fois aux élections de 2011.